Fév 082013
 

Kgalema MotlantheKgalema Motlanthe est né, en 1949, dans le township d’Alexandra. Il y passe sa petite enfance et migre à Meadowlands, un des premiers quartiers de Soweto, nouvellement construit, suite à l’application des lois de séparation des races et pour désengorger Alexandra.

Il accomplit un parcours classique des jeunes Noirs de sa génération, Black Consciousness People, puis SACP et ANC.

Il fait ses premiers pas dans la vie professionnelle à Johannesburg City Council, il y est encore employé lorsque Umkhonto we Siswe, le bras armé de l’ANC, le recrute et le forme à la lutte armée, aux pratiques de sabotages et au transfert des militants menacés vers les pays limitrophes via le Swaziland.

Arrêté en avril 1976 et détenu pendant 11 mois, il ne participe pas au soulèvement des écoliers du township. A peine libéré, il est condamné à 10 ans de prison sous Terrorism Act, il rejoint l’équipe des prisonniers politiques de Robben Island.

En 1987, au moment de sa libération, la lutte contre le Parti National est à son plus haut niveau et la situation dans les townships annonce une victoire prochaine. Le mouvement de protestation est en pleine construction autour du mouvement syndical, par la création de COSATU (1985), qui charpente les luttes sociales avec United Democratic Front (UDF) rassemblement de centaines d’organisations et d’associations. L’ANC, interdite, s’active derrière l’UDF.

Il rejoint le National Union of Mineworker, non pas comme d’autres dirigeants par son statut de mineur, mais par l’appareil, à l’instar de Cyril Ramaphosa. En 1991, ce dernier quitte son poste après avoir été élu secrétaire général de l’ANC à Durban, lors du premier congrès du mouvement sur le sol sud africain depuis son interdiction dans les années soixante. Un an plus tard, lors du congrès du NUM, Motlanthe est élu secrétaire général. Il va déployer à ce poste des talents reconnus de négociateurs. Il parvient à convaincre les mineurs, lors des premières négociations salariales post apartheid, d’ajuster les augmentations de salaires à la productivité des mines, qui n’était pas à cette époque à une très haut niveau. Une prouesse, face au fort sentiment, chez ceux qui furent les plus défavorisés sous le régime blanc, que la victoire sur l’apartheid ne peut qu’apporter immédiatement une vie meilleure pour tous. Il est dans cette action proche de Joe Slovo, dirigeant du Parti communiste et de son texte « Sunset Clause », qui appelait également à la modération politique, notamment dans l’acceptation du maintien des Blancs à leur poste dans l’administration.

Son action à la tête du NUM est marquée par sa prédisposition pour les questions administratives et ses qualités de gestionnaires. Il va ainsi créer KB Marks Education Trust qui va donner des bourses aux mineurs et leur famille. Il impulse, au nom de Cosatu, dans un quartier de Johannesburg, Yeoville, où de nombreux militants de retour d’exil se sont rassemblés, une école Elijah Barayi Memorial Training Centre. Il participe enfin à l’établissement de Mineworkers Investment Trust, le ban d’essai du Black Economic Empowerment.

En 1997, à Mafikeng, il est élu sans concurrent secrétaire général de l’ANC, puis en 2002 à la conférence de Stellenbosh. A Polokwane, en 2007, le débat est très tendu et l’affrontement entre Thabo Mbeki et Jacob Zuma se conclue par l’élection de ce dernier à la présidence du mouvement. Motlanthe est à ses cotés. Sous la pression de Zuma, Mbeki, très fragilisé par la nouvelle confrontation ANC/pouvoir politique, est contraint de le nommer vice président du pays, ce qui en fait son successeur au moment de sa « démission/déposition ».

Pendant sa présidence, entre septembre 2008 et mai 2009, les Sud africains vont vraiment connaître Motlanthe, qui sans être un homme de l’ombre ne se met pas volontiers en avant. C’est cette caractérisation qui va marquer désormais sa carrière politique et lui donner une forte popularité. Son calme, son manque de charisme, mais son opiniâtreté contrastent avec le comportement de  Jacob Zuma qui doit gagner une bataille pour la présidence du pays, alors qu’il fait face aux juges et à des accusations de viol. En 2009, Jacob Zuma enfin élu le nomme vice président.

Les alliés de Jacob Zuma, qui étaient à la conférence de Polokwane plutôt des alliés de circonstance, ne vont pas tarder à s’opposer à lui.  Motlanthe, à son habitude ne se met pas en avant, mais se range néanmoins du coté de Matthews Phosa, Tokyo Sexwale, Fikile Mbalula, Jim Irvin pour ne citer que ceux qui s’exposent. Avec sa discrétion habituelle qui font douter ses amis de son engagement. Avant les événements de Marikana il s’affichait avec les ABZ (Anyone But Zuma) mais en septembre il était beaucoup plus discret, plus tactique. On le sentait résolu mais malgré tout hésitant.

Puis, coup de tonnerre, le 3 décembre il donne une longue interview à Business Day dans laquelle il se pose en homme d’Etat critique de l’action gouvernementale. Il y donne son appréciation sur la détérioration du climat social et les réponses de l’équipe dirigeante. Il reste prudent sur les répercussions sur l’économie des fortes augmentations données aux grévistes, toujours très prudemment il aborde le conflit entre les autorités économiques et la direction de COSATU sur l’implantation de route à péage autour des grandes villes. La partie la plus importante de cette interview est consacrée à l’ANC  dans l’exercice du pouvoir. Il critique les méthodes internes de fonctionnement, surtout celles qui conduisent à l’élection des dirigeants, la relation du parti à ses partisans, la coupure sociale de plus en plus évidente après les luttes dans les mines et les fermes. Une coupure visible également avec la société civile, à la question, « l’ANC est-elle en train de perdre son caractère d’organisation non raciale ? » il répond « C’est une question dont nous débattons ». Sans remettre en cause la triple alliance gouvernementale (ANC-SACP-COSATU) il reconnaît néanmoins « Il y a des signes visibles d’intolérance ».

Quant au sujet sur lequel il était le plus attendu, sa position à la conférence de Mangaung, il a rejeté l’idée de toute négociations pour une place dans le top six. Où d’ailleurs, sa position ne semble pas menacée, à la condition qu’il accepte de n’être que le n°2, c’est à dire vice président. Encore une fois, son calme contraste avec la fébrilité de la préparation de Mangaung. On ne parle que de rapport de force, que de vote dans les fédérations, et au fur et à mesure de la publication dans la presse des calculs et des prévisions, on se rend compte de l’efficacité avec laquelle Jacob Zuma et ses amis ont, depuis deux ans,  verrouillé les votes locaux. Par des nominations et des cadeaux en tous genres.

Sa volonté de rester à son poste dans la direction de l’ANC provoque des  oppositions virulentes parmi les amis de Jacob Zuma, alors que celui ci reste plus circonspect, en apparence.  Car des surprises peuvent arriver à Mangaung puisque les votes peuvent avoir lieu jusqu’au dernier moment et des candidats peuvent se présenter jusqu’au moment du vote. C’est cette volonté de rester vice président qui explique sa prudence, qui marque aussi l’importance de sa présence dans une période, en cas de réélection de Zuma, qui risque d’être très volatile. « Je suis un soldat » se plait il à dire, il aura peut être l’occasion de le montrer.

Anne Dissez  Novembre 2012