Portrait : Helen Zille

 Posted by on 11 février 2013  Portraits  Commenter
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Helen Zille

Helen Zille est né le 9 mars 1951 à Johannesburg de parents allemands qui ont fui leur pays au moment de la montée du nazisme, au début des années trente, parce qu’ils étaient d’origine juive. Comme beaucoup de jeune Blancs progressistes elle rejoint l’université de Witwatersrand, Johannesburg. Elle fait sa première expérience professionnelle dans le quotidien  Rand Daily Mail, journal libéral blanc. En 1977, un de ses chefs, Allister Sparks, journaliste connu pour ses dénonciations de la politique d’apartheid, lui confie une enquête sur Cilliers Commission, une structure mise en place par le Parti national, alors au pouvoir, pour enquêter sur les cause du soulèvement de Soweto en 1976. Très logiquement ce reportage la conduit à enquêter sur la mort du leader de ces soulèvements, Steve Biko. Elle conclut, affirmant à l’inverse de la thèse officielle, à un assassinat sous la torture de la part de policiers.

« 1977 was a very big turning point for me…. I got more and more enraged. And when Allister Sparks was fired eventually by the very newspaper he had in many ways, along with the others, put on the world map, I was so angry… I resigned and became a full-time political activist with the Black Sash and then the End Conscription Campaign. What drives me is that I get so cross about things!» (cité par Stephen Brooks DM).

Ce fut effectivement le turning point, ses premiers pas sur le terrain de la politique, très typique, à l’époque, de la radicalisation de la jeunesse blanche choquée par la distorsion entre la vision opulente du pays blanc que voulait donner le gouvernement du Parti National et la réalité de la violence dans les townships. Les deux organisations auxquelles elle adhère, Black Sash et End conscription Campaign sont « blanches ». Black Sah (BS)  a joué un rôle social important dans les townships. C’était un regroupement de bénévoles issues de la classe moyenne fondée en 1955 sur des bases d’entraide sociale, qui, sous la pression des luttes des Noirs, est devenu de plus en plus politisée. Dans les années 90 leur objectif était d’ « abattre sans violence le régime d’apartheid ». L’ANC a toujours regardé avec une certaine hauteur l’action de ces femmes, dont les leaders, comme Helen Suzman, étaient membres du Parti démocratique. Parcours que suivra Helen Zille.

End Conscription Campaign (ECC) était un mouvement de jeunes Blancs, plutôt des garçons, car il encourageait et organisait le refus de ces derniers de la conscription militaire obligatoire, alors que la South African Defense Forces (SADF) intervenait dans les pays voisins, Mozambique, Namibie et Angola. Le rôle des filles était donc plutôt un rôle de solidarité et de soutien face à la répression. Dans les années 80, les plus violentes, ECC est devenu en enjeu pour le Parti national (NP) et pour l’ANC, parce qu’il était le seul lieu de radicalisation de la jeunesse blanche. C’st ainsi qu’en 1998 le mouvement fut banni dans le cadre de la proclamation de l’Etat d’urgence. . Plusieurs de ses membres, filles ou garçons, ont été emprisonnés et au fur et à mesure des luttes dans les townships le contenu de leurs positions anti apartheid est devenu plus radical. Coté ANC les manœuvres ont été très fortes pour mettre le mouvement sous leur contrôle. La direction de ECC, très divisée sur ce sujet, a résisté à la mise sous tutelle. Il s’est beaucoup développé autour de Cape Town University (UCT) et son principal soutien a été le South African Council of Churches (SACC).

La suite de la vie de Zille est toute tracée. En 1989, elle rejoint le Parti démocratique de Frederick van Slabbert et participe à ses côtés à CODESA (Convention for a Democratic South Africa) la structure qui rassemble tous les partis politiques, issus ou non de la lutte contre l’apartheid, pour écrire une nouvelle constitution.

Elle n’est que leader intermédiaire, mais elle assume dans ce rôle le sinueux parcours de son parti pour tenter de trouver une place dans un échiquier politique focalisé par le Parti national et l’ANC, sous l’ancien régime, puis l’ANC et le Parti national lors des négociations de Codesa, puis l’ANC après le scrutin de 1994. De progressive Party il devient le Federal Party sous l’apartheid, Pour Helen Suzman qui le dirige l’objectif est : aucune concession à la politique d’apartheid. Une orientation plus sinueuse chez Tony Leon, dirigeant contreversé du parti jusqu’en 2007.

En 1999, elle commence un parcours d’élue de l’Alliance démocratique, au parlement de la province Western Cape, en 2006 elle devient maire de la ville du Cap, en 2007 elle succède à Tony Leon à la tête du parti et en 2009 elle démissionne de la mairie du Cap pour devenir premier ministre du parlement provincial.

Sous sa direction, l’Alliance démocratique ne fait que progresser. Plus en audience qu’en nombre de militants, avec la même obsession gagner dans ses rangs ou ses supporters un plus grand nombre de Noirs. Signal infaillible de la crédibilité du parti. Elle ne parvient pas à rallier la génération qui a lutté contre l’apartheid, en revanche son audience grandit visiblement dans la jeunesse. C’est ainsi que le chef de son groupe au Parlement est une trentenaire noire, Lindiwe Mazibuko, ainsi que le leader de la ligue des jeunes, Mnusi Maimane.

Malgré ses succès, Zille reste réaliste. Elle mise sur le visible déclin de l’ANC, la manière dont le parti de Nelson Mandela est de plus en plus empêtré dans la corruption au point qu’aucune sortie ne semble possible, mais elle ne table pas sur une victoire en 2014,

« I’m realist, but I want to aim for 2019 ».

C’est ce qui explique que ses soutiens, ses réseaux ne sont pas visibles  actuellement. Le pouvoir est incontestablement dans les mains de l’ANC, quels que soient les avancées, voire les victoires électorales que pourrait remporter l’Alliance démocratique. Les seuls soutiens dont elle bénéficie sont très liés à son histoire personnelle et politique, l’Eglise qui a beaucoup soutenu l’action des Blancs contre l’apartheid et le secteur minier, qui a pris une part singulière dans les conditions de la sortie de l’apartheid et le grand deal de Codesa. Fait assez exceptionnel, au cours des dernières grèves du secteur impliquant Impala et Lonmin et dans la négociation de la charte minière, Zille fait des propositions. Ce serait trop dire qu’elle est  entendue, elle est pour le moment écoutée.

De même, dans le grand plan pour l’emploi par des réformes structurelles proposé par les ministres Ebrahim Patel et Trevor Manuel, le DA a fait plus que parler, Zille, en tête d’un cortège tout vêtu de bleu, la couleur du parti, a porté aux autorités son plan alternatif.

La discrétion des réseaux est due pour une part à la personnalité de Zille, qui se résume bien dans la phrase « I’m realist ». On sent bien que sa préoccupation n’est pas de se lier à un groupe ou un autre. En politique elle affiche beaucoup plus son obstination, sa détermination que son audace, elle apparaît comme soucieuse d’agir par étape. Aujourd’hui, c’est Western Cape, en 2014 elle vise Northern Cape et un renforcement significatif dans Gauteng (Johannesburg- Pretoria). Ce qui serait un début de victoire.

Anne Dissez  Septembre 2012