Zwelinzima Vavi, a new South African revolutionnary, comme le présente la très libérale revue du Cap, « Leadership ». Ou bien le poil à gratter de l’ANC, plus particulièrement de son président, Jacob Zuma, qui ne peut se passer de son soutien pour être réélu à la présidence du mouvement dans quelques semaines à Mangaung.
Vavi nait aux environs du 20 décembre 1962 dans une ferme à Hanover (Northern Cape). Il passe sa petite enfance à la ferme auprès de son père, travailleur agricole, sa mère et ses 11 frères et sœurs. Tout petit il participe à certains travaux de la ferme. Il est scolarisé à 8 ans lorsque sa famille s’installe dans l’Eastern Cape à Sada. Il a 14 ans, en 1976 lorsque la répression des écoliers de Soweto provoque des manifestations dans la plupart des townships d’Afrique du sud. L’arrestation de Steve Biko, le leader de Black Consciousness People (BCP) et du mouvement des lycéens, puis son assassinat dans les locaux de la police en 1977, marque l’entrée de Vavi en politique. Biko était originaire de Eastern Cape et les militants du BCP y étaient très actifs, Vavi est à leurs cotés dans son township de Queenstown. Sa biographie officielle reste imprécise sur son adhésion au mouvement de Biko, elle est en revanche très affirmative sur son engagement dans le syndicat des étudiants dirigé par l’ANC.
Comme beaucoup de jeunes noirs qui se sont radicalisé à cette époque, Vavi quitte le collège avant la fin de ses études techniques. En 1984, il devient employé de bureau à la compagnie Anglo Gold où il rejoint le National Union of Mineworkers (NUM) et Cosatu. Il est responsable du syndicat local de Klersdorp en 1987 au moment de la grande grève des mines, qui fut un tournant décisif dans la lutte anti apartheid. En 1988, il est secrétaire syndical régional du Western Transvaal, en 1992, secrétaire national à l’organisation, en 1993, il est élu Deputy General-Secretary de Cosatu, dont il devient en 1999, le secrétaire général. C’est à ce poste et à cette date que commence sa carrière et son aura politique national.
Etat et évolution de Cosatu ?
Depuis 1994, le syndicat est membre de la triple alliance gouvernementale (ANC-COSATU-SACP), mais le comportement de Thabo Mbeki, réélu en 2004 à la présidence du pays, devient inacceptable aux yeux de beaucoup de ses amis et partenaires. Selon eux, le président se replie sur lui même, refusant toute communication avec son entourage, notamment, il n’accepte aucune critique de sa politique de Black Economic Empowerment et de ses conséquences sur les disparités sociales. La place de Cosatu dans l’exercice du pouvoir en est réduite, ses dirigeants interviennent peu dans les débats du gouvernement, leurs remarques sur l’approfondissement de la pauvreté ne sont pas entendues.
La fronde interne à l’ANC, autour de Jacob Zuma et de Matthews Phosa va redonner une place importante à Cosatu et à son secrétaire général, Vavi. L’idée de renverser « démocratiquement » Mbeki fait son chemin mais ne peut être mise en œuvre par les seuls opposants de l’intérieur de l’ANC. Le choix de Zuma pour remplacer à terme le président déchu ne fait pas l’unanimité mais le soutien dont il bénéficie de SACP et Cosatu en fait le gagnant. Il a été décisif autant que démonstratif au congrès de Polokwane, en 2007 où Zuma a été élu président.
A la veille du congrès de Mangaung, Zuma est le premier à être convaincu de ne pas pouvoir se passer du soutien de Cosatu. Cela explique la reconduction sans vote de toute la direction, Vavi en tête, au congrès de septembre dernier, alors que sa mise à l’écart semblait décidée.
Depuis, Vavi, qui ne ménageait pas ses efforts pour montrer une image unie de son syndicat ne cache plus les divergences internes sur le soutien ou le rejet de la reconduction de Zuma à la présidence de l’ANC. Il est difficile de faire les comptes, mais la décision du clan Zuma de maintenir Vavi à son poste de secrétaire général, ne lui garantit pas son soutien, alors qu’il ne cesse de tirer parti des faiblesses et des difficultés de ses camarades adversaires. Notamment le NUM, son ancien syndicat, le plus agressif vis à vis de Vavi, qui se trouve après les événements de Marikana en si mauvaise posture, qu’il pourrait perdre sa représentativité devant le patronat minier.
Vavi – homme de principe et de rupture
Tout au long de ses mandats à la direction nationale du syndicat, Vavi s’est attaché à afficher des principes –ses principes. Lors du débat sur la liberté de la presse, il a dénoncé la volonté du gouvernement de mettre en place des tribunaux spéciaux pour les media, qui devaient, entre autre, protéger la vie privée et judiciaire de Jacob Zuma. Il a très tôt dénoncé la position de Thabo Mbeki, puis les silences de son successeur sur la situation des droits de l’homme et de la démocratie au Zimbabwe. Comme Mugabe à Harare, le roi Swati III au Swaziland n’a pas trouvé grâce à ses yeux, il a fait preuve de la même vigueur pour lancer Cosatu dans la défense des syndicalistes du Swaziland.
Très tôt, après l’élection de Jacob Zuma à la présidence du pays, il a mené bataille contre la corruption. Il est aujourd’hui à la tête d’un regroupement Corruption Watch aux cotés de personnalités contestatrices de ses amis de l’ANC.
Mais au delà ces oppositions, dont cette liste n’est pas exhaustive, Vavi a voulu donner une autre définition de l’alliance et de la discipline. Contrairement aux années de lutte, il s’insurge sur l’obligation d’application des décisions venues d’en haut, en l’occurrence de l’Union Building, le palais de la présidence. Il montre qu’il n’est pas sourd à l’exigence de débat, brandie à chaque congrès par des délégués, sur le maintien de l’appartenance à l’alliance gouvernementale. C’est ainsi qu’au nom du principe d’indépendance du syndicat, il a refusé que Cosatu désigne son candidat à la candidature de la présidence de l’ANC, montrant ainsi bien peu de reconnaissance à ceux qui ont organisé son étrange réélection.
Nouvel idole des Sud africains ?
Il est autant idolâtré que détesté. Un de ses camarade et journaliste, Sibusiso Ngalwa le décrit ainsi : « He has been called a reckless ultra-leftist, a loose cannon and an irritation to business, but for millions of South African workers, he is a hero, a beacon of hope for the poor. He steadfastly refuses to join the waBenzis in government, but is likely to show up in a luxury sedan or a hired Mercedes Benz. He has refused any major salary increase, going home with around R7 000 a month – but makes up for it with the union’s credit card. He battles to pronounce words like « unilaterally » but has an astounding technical knowledge of economics. This is Zwelinzima Vavi, the political paradox “.
Il a été tenté un moment de quitter son poste de secrétaire général pour intégrer le top six de l’ANC. Mais Gwede Mantashe, au cours de ANC Policy Conference, en juin dernier, lui a fermée la porte et il a préféré rester leader syndical. Il aurait pu se battre, mais il n’a pas voulu de cette bataille dans l’ANC où il n’est pas aussi à l’aise que dans Cosatu. Gwede Mantashe est secrétaire general de l’ANC et membre du SACP, un parti où on se méfie de lui et de l’ombre qu’il pourrait faire à Jacob Zuma. Mais son adversaire le plus virulent est le président du NUM, S’dumo Dlamini, qui aurait du prendre sa place de secrétaire général au congrès de septembre dernier, si Jacob Zuma n’avait pas eu tant besoin d’un nouveau soutien de Vavi.
En revanche il apparaît proche de Jim Irvin, le SG de National Union of Metalworkers of SA (NUMSA), qui se trouve à la gauche du syndicat. Il l’a souvent soutenu ou laissé s’exprimer sur des positions qui ne sont pourtant pas les siennes, notamment dans le débat sur les nationalisations. C’est ce qui explique que Vavi est parfois perçu comme étant de l’extrême gauche.
Avec le president Zuma, les rapports sont plus utilitaires ce qui ne les rend pas plus simple. Zuma ne peut pas oublier et apprécier le soutien de Vavi au congrès de Polokwane, 2007, Il a été décisif et il lui est encore plus nécessaire aujourd’hui à Mangaung. Les relations entre Cosatu et la présidence sont marquées par les attaques, plus ou moins ouvertes, que se livrent les deux hommes. Mais pourtant, on ne pourra pas dire, jusqu’au vote final de Mangaung, qui Vavi va soutenir et avec qui.
Dans cette période de crise, beaucoup aimerait l’avoir dans son camp. Un hebdomadaire avait même écrit que Helen Zille, la patronne de Democratic Alliance lui avait propose un accord. Cela avait fait beaucoup rire la classe politique, mais le scoop n’avait pas été jugé sérieux.
Un récent appel à une grève générale dans les mines a fait couler beaucoup d’encre et d’incertitude quant à son origine. Il est porté par Association of Mineworkers and Construction Union (AMCU), le jeune syndicat qui se construit sur la critique et la remise en cause de NUM et qui n’a pas la capacité d’organiser une manifestation de cette ampleur. Alors que la mobilisation est toujours très forte dans le secteur des mines, qui pourrait utiliser cette arme, qui fera très mal à Zuma et au NUM ?
Anne Dissez Septembre 2012