Le mouvement social, qui n’en finit pas de rebondir, est le plus important qu’a connu l’Afrique du sud de toute son histoire. Le plus décisif également car il conduit à une remise à plat qui pourrait être fondamentale de la législation du travail dans le secteur minier. Les événements d’aujourd’hui montrent qu’elle a peu changé après la fin de l’apartheid.
Le mouvement a incontestablement faibli et devrait se déliter d’ici la mi-décembre date fatidique des congés d’été. Cependant, sa force, sa dramatisation et sa longévité marqueront la conférence élective de l’ANC qui se tiendra entre le 16 et le 20 décembre à Mangaung (ex Bloemfontein) et les débats pour l’élection du nouveau président du parti au pouvoir. Jacob Zuma, l’actuel titulaire du poste, semble l’avoir compris, il convoque un sommet pour mettre fin aux grèves sauvages. Il réunira des représentants du monde du travail et de la société civile, il se tiendra vendredi en toute urgence à Pretoria en présence de ministres du gouvernement. (Lire l’article du Business Day de Ntsakisi Maswangani et Carol Paton : http://www.bdlive.co.za/national/labour/2012/10/12/zuma-calls-summit-in-bid-to-end-strike-wave
L’état du mouvement des grèves, qualifiées désormais de « sauvages » est visible dans toute la presse qui relate joue après jours le moindre soubresaut, le moindre rassemblement et surtout les nombreux arrêts de travail qui ont gagnés l’ensemble du secteur, y compris le charbon, qui avait été jusque là épargné. C’est le caractère sauvage du mouvement social qui inquiète les dirigeants patronaux autant que politiques. Les articles sur la nécessité de renégocier les lois du travail en général et dans les mines en particulier sont nombreux. Le site officieux de la Chambre des mines, miningweekly.com soutient la renégociation. http://www.miningweekly.com/article/zumas-meeting-with-social-partners-to-focus-on-restoring-collective-bargaining-credibility-2012-10-11 .
Tout le monde s’accorde à souligner l’urgence de renégocier un système de relations sociales qui existait bien avant l’apartheid et qui est un héritage de la législation anglo saxonne. La presse relate très largement ce débat. Un, parmi ces articles est particulièrement intéressant, il est publié par la revue Leadership, il nous dit l’histoire de ces négociations et, comme souvent dans cette revue, place l’analyse en perspective avec le passage entre la fin de l’apartheid et le début de l’ère nouvelle. http://www.leadershiponline.co.za/articles/labour-relations-dispensation-breaks-down
L’engagement du patronat minier révèle à quel point les dirigeants des entreprises en ont apprécié le danger et ses conséquences. Tout changer pour que rien ne change, l’entreprise s’avère ardue tant la misère sociale pèse sur les travailleurs des mines.
A ce propos quelques articles éloquents révèlent la corruption dont sont victimes les mineurs. Un court papier dans le Citizen nous apprend que le National Credit Regulator (NCR) organisme gouvernemental est sur la piste d’escrocs se présentant comme des encaisseurs de dettes auprès des mineurs pour tenter de leur extorquer par la menace de soi-disant remboursements de dettes. Lire les reportages de Mail & Guardian et de Daily Maverick : http://dailymaverick.co.za/article/2012-10-12-marikana-the-debt-hole-that-fuelled-the-fire et http://mg.co.za/article/2012-10-11-ncr-raises-alarm-at-unsecured-lending-in-marikana.
Deux mois après la tragédie de Marikana l’émotion commence à faire partie du passé. Le gouvernement avait été particulièrement absent pendant cette période, le monde intellectuel avait été en émoi, se battant la coulpe à longueur d’éditoriaux, le patronat s’était fait le plus discret en attendant la fin de l’orage. Aujourd’hui, tout le monde s’interroge sur le coût économique des grèves. Gil Marcus, la patronne de la Banque centrale, évoque une détérioration rapide des performances économiques, prenant l’exemple de la chute du rand, la monnaie sud africaine. http://www.bdlive.co.za/economy/2012/10/10/south-african-economic-outlook-deteriorating-rapidly-says-marcus
Le Business Day s’inquiète des retombées des grèves sur les investissements étrangers, particulièrement dans le contexte de crise économique mondiale. L’article cite notamment la discussion entre des députés du Parlement, membres de la commission des finances, et Shi Xiushi leur homologue du National People Congress (NPC) parti au pouvoir en Chine. (Strikes in SA ‘bad for foreign investment’ Business Day du 10/10/2012)
Dans ce contexte de renégociation qui s’annonce, la pression est très forte sur le syndicat National Union of Mineworkers (NUM). http://www.bdlive.co.za/business/mining/2012/10/12/marginal-shafts-may-be-shut-down. Le syndicat leader de la confédération COSATU est en grande difficulté dans son propre secteur. La grève de Marikana, mais également celle de Amplats, en février dernier, avait démarrée sur des affrontements meurtriers entre des adhérents du NUM et AMCU, nouveau syndicat qui demande sa reconnaissance sur des bases beaucoup plus radicales que leur ainé du NUM. Aujourd’hui, il semblerait, selon certains articles, que le NUM n’est plus en mesure de garantir le nombre suffisant d’adhérents dans les mines pour être représenté dans les négociations. Une situation incroyable il y a seulement quelques mois, particulièrement au regard de son histoire. Cette situation met en porte à faux la confédération toute entière. Deux reportages dans le Mail & Guardian et dans Daily Maverick : http://mg.co.za/article/2012-10-12-00-num-bleeds-workers-lives http://dailymaverick.co.za/article/2012-10-09-your-memberships-no-good-here-num
Enfin, sur la couverture du mouvement social, deux papiers originaux dont l’un fait état des intimidations sur les mineurs non grévistes, l’autre sur la place des migrants dans ces luttes. Ce dernier est publié sur le site de mineweekly.com, http://www.miningweekly.com/article/migrant-labour-system-lies-at-heart-of-mine-unrest-hartford-2012-10-08
Et pendant ce temps, Julius Malema, l’ex fougueux dirigeants des jeunesse de l’ANC, exclu de son parti mais très actifs dans le mouvement social, exhorte les mineurs à une combativité maintenue et exige du gouvernement la nationalisation des mines. Un slogan qui divise l’ANC.
Anne Dissez le 15 octobre 2012