Déc 202012
 

Donner à l’ANC les moyens de vivre encore 100 ansLe rapport qui doit être présenté au 53e congrès national de l’ANC reprend à son compte l’appel d’Amilcar Cabral à ne pas céder au triomphalisme : « Ne cachez rien aux masses de notre peuple, ne dites pas de mensonges… ne cachez rien des difficultés, des mauvais choix et des échecs, ne vous complaisez jamais dans les victoires faciles ».

L’organisation est désormais plus unie, plus stable et des bases ont été jetées qui permettront de construire une organisation beaucoup plus forte et militante.

Un grand travail a été accompli au cours de ces cinq dernières années mais bien d’autres efforts sont nécessaires pour préparer l’ANC à affronter le triple défi de la pauvreté, du chômage et de l’inégalité.

Lors de ce congrès, l’ANC rendra compte de la vie et du travail de l’organisation depuis le tournant marqué par le congrès de Polokwane. Il faut avouer que ce congrès-là avait révélé de fortes divisions et l’ANC s’est immédiatement trouvée confrontée à l’énorme tâche de recréer une unité.

Avant de pouvoir le faire, l’ANC a dû s’occuper des questions suivantes : les chefs d’inculpation contre son président, Jacob Zuma, la récusation du président du pays, Thabo Mbeki, et la formation de la faction dissidente Cope 1, principalement constituée de membres et de dirigeants mécontents de l’ANC.

Ces trois défis ont grandement mis l’organisation à l’épreuve et déterminé certaines de nos interventions durant ces cinq dernières années. Cependant, il est assez ironique de voir que la formation de Cope a galvanisé les adhérents de l’ANC avec des gens résolus à la  défendre et à assurer la victoire aux élections nationales mais aussi par la suite au niveau des élections provinciales et locales.

Depuis, la menace d’un essor de Cope a décru, si on se fie aux élections locales. Lors de ce scrutin, l’ANC a gagné des voix dans toutes les provinces, hormis celle du Cap-Nord.

Si l’on devait résumer les cinq années écoulées, les thèmes suivants viennent à l’esprit : renouveau de l’organisation, discipline révolutionnaire et attention particulière à la transformation économique et sociale.

Une sélection de temps forts au sein de chacun de ces domaines permettra de mettre en évidence le travail accompli ainsi que les défis restants. Pendant le congrès seront donnés tous les détails qui permettront à l’assemblée de débattre de la marche à suivre et d’officialiser la stratégie.

Sur le thème du renouveau, l’organisation peut être fière de sa réussite dans l’accroissement spectaculaire de son nombre d’adhérents, porté à presque 1,2 million, ce qui souligne le fait que notre mouvement continue d’inspirer largement à notre peuple espoir et confiance.

L’accroissement du nombre d’adhérents s’est aussi traduit par la constitution d’une base de soutien qui a permis à l’ANC de remporter de manière convaincante les élections nationales de 2009 et les élections locales de 2011.

En interne, l’ANC est plus stable que cinq ans auparavant et un plus grand nombre de ses structures sont opérationnelles et efficaces.

Le défi qui reste à relever est de garder les adhérents motivés entre deux campagnes électorales, à travers la mise en oeuvre d’un vrai travail dans les sections locales et l’éducation politique – ce à quoi le Comité National Exécutif (NEC) a été particulièrement attentif et qu’il recommande à son successeur de traiter encore plus sérieusement avant d’être pris par la routine.

Le NEC a plutôt bien rempli sa mission dans des circonstances particulièrement difficiles.

Il faudra travailler sur les faiblesses dans le domaine du renouveau organisationnel. Parmi elles, l’assiduité des membres du NEC ainsi que la cohérence dans les travaux des sous-comités du NEC.

Sinon cela pourrait devenir le maillon faible, en particulier dans les situations où le NEC doit confier des missions à ses cadres déployés dans divers secteurs de la société, et en assurer le suivi.

Quant à la discipline au sein de l’organisation, les cinq dernières années ont démontré la nécessité d’instaurer une discipline révolutionnaire dans l’ANC. C’est un principe de base de l’appartenance à une organisation.

Une tendance à interpeller autrui d’une manière vulgaire et inconvenante s’est répandue dans l’organisation, ce qui a conduit le NEC à réagir.

Le chaos absolu survenu lors de certains congrès au niveau local et provincial est symptomatique du déclin quant à la discipline, comme lors des congrès du Cap Nord-Ouest et du Cap occidental où des membres de l’ANC se sont conduits de manière inconvenante. Cela a eu pour effet une contre-publicité et la destruction de longues années de bon travail effectué pour attirer à l’ANC d’autres communautés que sa base traditionnelle.

Les perturbations inacceptables lors des conférences pour célébrer le centenaire de l’ANC à la fois au Cap occidental et au Limpopo resteront comme des moments que l’on préférerait oublier rétrospectivement.

Il existe des problèmes que l’ANC doit traiter afin de sauvegarder le caractère sacré, les traditions et l’avenir de notre mouvement.

Il sera demandé aux congressistes d’adopter le point de vue selon lequel seule la certitude de subir de graves conséquences en cas de mauvaise conduite permettra d’éradiquer le manque de discipline.

Sur la pratique du pouvoir, le dernier congrès a donné mandat au NEC pour qu’il assure une vision stratégique globale concernant la planification économique nationale dans le but d’instaurer une vision globale quant à la stratégie de développement économique du gouvernement.

Dans cette optique, une commission de planification nationale dirigée par le ministre affecté à la Présidence, Trevor Manuel, a rédigé un plan national de développement. Il sera demandé aux délégués d’adopter ce plan, qui est une manière efficace d’élaborer une vision commune pour l’Afrique du Sud.

Au cours de ces cinq dernières années, le NEC a dû faire face à une vaste offensive contre le mouvement, qui a voulu jeter le discrédit sur l’ANC et la révolution démocratique nationale.

Le thème de cette attaque en règle, c’était que rien ne s’était passé depuis 1994 et, plus brutalement, que les choses allaient mieux à l’époque de l’apartheid.

Malheureusement, cette offensive s’est également nourrie de déclarations de membres et de dirigeants de l’ANC s’attaquant publiquement.

Un tel comportement parmi les leaders dépeint l’ANC comme étant une organisation en crise qui ne pourrait être sauvée que par ceux-là mêmes qui souscrivent à la notion que l’ANC est en crise et quiconque essaie de mettre en doute cette notion est taxé de dénégation.

Nous pensons qu’il est plus productif de débattre au sein des structures de l’ANC que de se déchirer en public.

Cela ne veut pas dire qu’il est interdit aux membres de s’engager dans une bataille d’idées pour enrichir le débat public. Dans ce rapport, après avoir fait l’état des lieux concernant cette question, nous appelons les cadres de l’ANC à éviter en toutes circonstances de causer à l’ANC écorchures et blessures.

L’ANC, qui est aux responsabilités, doit assumer à la fois les échecs et les succès accumulés lors du mandat et éviter d’individualiser les échecs.

L’économie est au cœur du bilan de notre action.

Le rapport reconnaît qu’il y a trois secteurs clés où les progrès ont été faibles : ce sont les questions du soutien aux PME et aux micro-entreprises, de la gouvernance des entreprises publiques, ainsi que de l’orientation stratégique des établissements de financement émergents, qui est trop souvent laissée aux actionnaires et dont ne s’occupent pas assez le NEC et ses sous-comités.

L’ANC doit introduire une stratégie multidimensionnelle pour s’attaquer au chômage des jeunes en particulier.

L’ANC est déterminée à aller au-delà de la simple défense de concepts tels que l’allocation chômage pour les jeunes et à mettre en œuvre un programme qui aura un réel effet sur le chômage des jeunes. Nous devons garder en mémoire l’adage selon lequel « le développement est un argument irréfutable ».

L’évaluation de notre travail sur les cinq dernières années comprend également des actions entreprises et des défis relevés dans de nombreux autres secteurs de la vie du pays, tels que la santé et l’éducation.

La lutte contre la corruption et tout un éventail d’évolutions d’ordre sociétal et de changements dans les relations internationales ont également été analysés avec soin.

Le rapport fait un bilan essentiel à cet égard et fournira un cadre de travail aux 16 commissions de congressistes pour qu’elles établissent un programme clair de mesures à prendre en soutien à la nouvelle direction qui sera élue à Mangaung.

Au final, il est bon de se rappeler ce que l’ANC avait dit lors de son congrès précédent, à  Polokwane, pour marquer 2012, l’année du centenaire : « L’ANC doit poursuivre son effort pour être le leader moral, intellectuel et politique de notre peuple et mettre en place des mécanismes aptes à combattre vigoureusement les effets négatifs occasionnés par la pratique du pouvoir. »

Pour atteindre ce but, nous ne devons pas céder au triomphalisme ni masquer aucun des défis qui nous attendent à l’heure où nous dressons le bilan des 100 dernières années et nous préparons pour les 100 prochaines.

 Cet article se fonde sur le rapport d’activités que Mantashe présentera devant le 53e congrès national de l’ANC qui s’ouvre aujourd’hui. Le rapport complet est disponible sur www.anc.org.za

Gwede Mantashe

Traduction  Jean Pierre et Yan Richard