Jan 012013
 

Cyril Ramaphosavice president de lANCL’élection de Cyril Ramaphosa à la conférence de Mangaung a éclipsé tous les autres événements du congrès. Particulièrement la défaite cuisante de Motlanthe (1000 contre 3000 voix, sur 4000 délégués), qui a été peu commentée et la victoire de Zuma, dont beaucoup prédisent qu’elle ne tiendra pas jusqu’au scrutin national d’avril 2014. On a eu le sentiment au terme du vote, mardi après midi, que le temps s’était arrêté un certain mois de décembre 1994, à Bloemfontein, à la conférence de l’ANC où Thabo Mbeki avait été préféré à Cyril Ramaphosa pour la vice présidence du mouvement. Nelson Mandela venait d’être élu président du pays, trois ans plus tard en 1997, à Mafikeng l’élection de Mbeki à la présidence du mouvement lui ouvrait une voie royale pour la présidence du pays en avril 1999. Ramaphosa s’était alors retiré sur l’Aventin du monde des affaires où il a fait fortune.

Alors que depuis quelques semaines les anti-Zuma semblait reprendre du terrain, l’annonce de la candidature Ramaphosa au poste de vice président de l’ANC a été un pavé dans la mare des opposants de Forces of Change, trop tard pour faire un deal, trop hésitants face aux partisans de Zuma qui ont eu l’audace de faire une véritable OPA sur Ramaphosa, littéralement pris dans un piège. Même si un retour en politique n’a pas eu l’air de lui déplaire.

Cette candidature a été décisive dans le rapport de force étonnant de l’élection de Zuma. Les représentants les plus prestigieux du patronat et du secteur bancaire avaient exprimé une grande inquiétude vis à vis de sa réélection programmée. Le deal avec Ramaphosa s’appuie sur cette inquiétude, dès ce moment, c’est à dire une semaine avant l’ouverture de la conférence, le discours de Zuma a totalement changé. De son discours populiste il est passé à une position inhabituelle chez lui de réalisme économique, qui a fait changer de camp le business et lui a assuré une attitude bienveillante du ministre des finances et de Trevor Manuel. Ce dernier avait surpris l’opinion en refusant toute nomination à un poste au sein de l’ANC, certains avaient même prédit son départ d’Afrique du sud, ce qu’il a formellement démenti. D’ailleurs, dès l’annonce des résultats les marchés ont réagi positivement et le Rand s’est raffermi.

Les lendemains de Mangaung

Alors que les observateurs s’attendaient à un congrès du niveau de celui de Polokwane, il y a cinq ans, en termes de coups bas, d’injures à l’encontre des partisans de Mbeki, d’agressions physiques et de violences, Mangaung s’est passé plus dignement. Les votes n’ont pas été contestés, pas plus que la composition des délégations. Le clan Zuma avait tellement bien préparé l’événement que sa victoire ne faisant plus de doute, pour personne. Plus incertains sont les lendemains de la conférence. En effet, plusieurs éléments ont fait la victoire de Zuma, les promesses faites aux directions locales, les achats de votes et de composition de délégations et la violence. Les premières sont apparues à l’occasion de ANC Policy Conférence en juin dernier au terme de laquelle plusieurs délégués, opposés à Zuma, ont été assassinés ou violemment agressés. Elles n’ont pas cessés jusqu’à  l’ouverture de Mangaung, où un délégués de Force of Change n’a pas pu arriver jusqu’au congrès, il a été assassiné sur le chemin. Plusieurs autres personnes ont subi le même sort après avoir dénoncé la corruption de Zuma et appelé la justice à trancher. Leur nombre n’est pas connu, les autorités restant très discrètes sur ces événements.

La victoire incontestable de Zuma laisse tout de même un parti et un pays très divisé. Le syndicat Cosatu, notamment, dont on a souligné le rôle décisif, est profondément partagé. Les intellectuels et les media sont majoritairement anti-Zuma, le secteur économique adopte une position d’attente méfiante. Beaucoup de Sud africains prédise une chasse aux sorcières post Mangaung. Dès sa réélection, Zuma a appelé à l’unité du parti et du pays.

Les amis de Motlanthe ont accepté la défaite et tenté d’enrayer les démissions du parti et les transfuges vers Democratic Alliance et Cope qui sont, dores et déjà, en position d’accueil. « Nous, supporters et fans de cette page, sommes des militants et cadres de l’ANC discioplinés. Nous n’avons aucune intention de démissionner et de fonder un nouveau parti. ANC est toujours le notre. Asijiki !», pouvait-on lire sur le compte twitter de Motllanthe for president. La tactique de Matthews Phosa et Tokyo Sexwale va être de se battre à l’intérieur de l’ANC avec le soutien de la justice. Il est donc fort probable que les affaires de corruption qui pèsent sur la tête de Jacob Zuma vont réapparaitre avec force. Encore une fois, comme si le temps s’était arrêté, une des raisons qui avaient présidées à la déposition de Thabo Mbeki, en 2008, avait été la manière dont il avait utilisé la justice dans l’exercice de son pouvoir afin d’écarter ses opposants. Zuma, en l’occurrence, accusé d’avoir profité du Arm’s deal.

Ramaphosa for président ?

La question est partout. Il a obtenu plus de voix que Jacob Zuma des délégués de Mangaung. Son retour en politique a été plusieurs fois évoqué. Il ne semble pas opposé à une telle éventualité, il n’a, en tous cas, rien dit qui pourrait faire penser le contraire. Il est indéniable qu’il reste très populaire parce qu’il est perçu comme celui qui a pu concilier sa position de militant engagé dans le mouvement syndical et de manager d’entreprise. Mais pour se maintenir dans cette position dominante il devra s’expliquer, sinon se justifier vis à vis des accusations post Marikana sur son statut de directeur sud africain de Lomnin. Une position qu’il doit à son groupe BEE Shanduka, partie intégrante de la compagnie minière britannique. Un statut difficile à défendre après le mouvement de grèves minières. De plus, la Cosatu lui a toujours mesuré son soutien depuis son émergence dans le monde des affaires.

Le scenario de la démission de Zuma à la candidature présidentielle en 1994, sous les coups de la justice, au profit de Ramaphosa fait autant rêver qu’elle terrorise la classe politique sud africaine. Les quatorze ou quinze mois qui séparent la conférence de Mangaung du scrutin général, si la constitution est respectée, risquent d’être ceux de tous les dangers, car la volonté de Jacob Zuma de rester au pouvoir ne dépend pas de celui qui pourrait le remplacer. Pendant les cinq années de sa présidence, à l’ANC comme dans le pays, la corruption a fait un bond, si l’on en croit les chiffres de Transparency International, l’Afrique du sud est passé du 43ème rang en 2007 au 64ème en 2011 et 69ème en 2012 sur 176 pays analysés. Une progression inquiétante largement perçu par les Sud africains et qui est l’argument le plus entendu dans la critique de la présidence Zuma.