Le vice-président Kgalema Motlanthe est plus que prêt à se mesurer au président Jacob Zuma pour obtenir la direction de l’ANC lors du congrès de Mangaung qui aura lieu en décembre, ont déclaré ses proches alliés cette semaine.
Motlanthe, qui hésitait au départ à défier Zuma, a dit désormais à ses camarades au sein de l’ANC et du gouvernement que le poste l’intéressait.
Mais il respecte le moratoire décrété par l’ANC sur le débat pour la succession jusqu’à la désignation des candidats en octobre et il n’a pas exprimé publiquement ses intentions. Toutefois, ses actions au cours de ces derniers mois ont également montré qu’il est prêt à se rendre disponible pour être élu.
Pour plusieurs dirigeants du parti et du gouvernement proches de Motlanthe, le fait qu’il a rapidement réagi aux allégations de corruption dont a été l’objet sa partenaire Gugu Mtshali au cours du week-end, est le signe le plus clair à ce jour que Motlanthe était prêt à défier Zuma. Dès lundi Motlanthe a demandé au Protecteur public, Thuli Madonsela, d’enquêter sur le présume scandale de pots-de-vin les impliquant, Mtshali et lui.
Selon le Sunday Times, Mtshali aurait tenté de demander un pot-de-vin de 104 millions de rand en échange d’un soutien au niveau du gouvernement en faveur d’une compagnie sud-africaine essayant de conclure un contrat avec l’Iran d’une valeur de 2 milliards de rands, en violation des sanctions décrétées contre ce pays.
L’année dernière le rapport Donen avait innocenté Motlanthe dans le scandale « pétrole contre de nourriture » relatif à l’Irak, où lui-même et d’autres dirigeants de l’ANC s’étaient, à l’époque, trouvés impliqués. Bien que Donen n’ait pu établir une violation caractérisée de la loi, en partie à cause du cadre limité de son enquête, il avait cependant pointé de nombreux problèmes.
Les partisans de Motlanthe estiment que les dernières allégations en date pourraient être une tentative pour entamer sa crédibilité avant le congrès de l’ANC devant élire la nouvelle direction.
En décembre 2011, s’adressant au congrès régional de l’ANC pour le Limpopo, Motlanthe a déclaré qu’au sein de l’ANC les rivalités ne se déroulaient pas sur un plan individuel parce que c’était la « structure » qui désignait les candidats.
Selon lui, « il y a rivalité si les structures désignent plus d’une personne. Il n’y a rien de mal à cela car le mouvement s’en trouve enrichi. On peut choisir entre les délégués en lice et permettre aux gens de voter ».
Ces propos de Motlanthe faisaient écho à ceux de l’ancien président Nelson Mandela qui avait déclaré devant les membres du congrès de Mafikeng pour l’élection des dirigeants de l’ANC en 1997 qu’aucun dirigeant de l’ANC ne devrait être élu sans qu’il y ait rivalité, sans quoi on pourrait tomber dans la dictature.
La bataille pour les postes de direction au sein de l’ANC a divisé l’alliance tripartite : la Ligue de la Jeunesse de l’ANC et ce qui reste de soutiens à l’ancien président Thabo Mbeki font apparemment cause commune pour renverser Zuma. Cette semaine les partisans de Mbeki ont critiqué la direction de Zuma, l’ancien directeur de cabinet de Mbeki, Frank Chikane, menant la charge.
Lors du lancement de son livre cette semaine, auquel presque toute la direction de la Ligue de la Jeunesse était présente, Chikane a déclaré que les Sud-Africains devaient refuser d’avoir à leur tête des dirigeants corrompus et a déploré l’atmosphère de peur qui tend à régner sous l’actuel gouvernement.
La stratégie du groupe anti-Zuma consiste apparemment à augmenter les effectifs des délégations provinciales au congrès en courtisant des partisans de Mbeki mécontents de la situation actuelle.
Mbeki avait obtenu 43% des voix au congrès de Polokwane en 2007.
Pour obtenir un deuxième mandat, Zuma comptera sur le soutien de sa province du KwaZulu-Natal, avec ses 25% de délégués ayant le droit de vote au congrès.
Le rapport de forces dans quatre provinces dominées par l’ANC où se dérouleront bientôt des congrès à l’échelle provinciale et régionale est le suivant :
Le Cap oriental
Dans deux des 11 congrès régionaux ayant déjà eu lieu, le camp anti-Zuma semble contrôler la situation. Des dirigeants favorables à son renvoi ont été élus dans deux des principales régions de cette province : il s’agit de Sandile Sello et de Zukisa Faku, qui ont été élus à la tête des régions Alfred Nzo et Buffalo City respectivement et dont on sait qu’ils s’opposent à un groupe favorable à Zuma, essentiellement composé de membres du gouvernement provincial dirigé par l’ANC.
Ces victoires ont boosté le moral des anti-Zuma, qui espèrent également de bons résultats lors des congrès d’avril pour les régions OR Tambo, Amathole and Nelson Mandela Bay.
Le secrétaire général de l’ANC, Gwede Mantashe, vient du Cap oriental et on s’attend à ce qu’il joue un rôle clé pour faire que la province soutienne Zuma.
Mais un dirigeant de la région OR Tambo a déclaré que, dans le Cap oriental, nombreux étaient ceux qui étaient déçus par l’action de Zuma, à la fois à la tête de l’ANC et à la présidence de la République. Il a rappelé que la province avait été l’une des premières à soutenir Zuma en 2007.
« C’est ici que Zuma a un foyer. J’ai été l’un des animateurs de sa campagne. C’était difficile. On a essayé de faire comprendre aux gens ordinaires pourquoi on le soutenait à l’époque. Même un balayeur demandait des nouvelles de Zuma. Mais les choses maintenant ont changé.”
Le KwaZulu-Natal
La majorité des dirigeants régionaux du KwaZulu-Natal ont passé un compromis quant à la direction de l’ANC au niveau de la province, facilitant ainsi le chemin du Premier ministre provincial Zweli Mkhize vers sa réélection à la présidence provinciale lors du congrès de l’ANC pour le KwaZulu-Natal au mois de mai.
La position de Zuma s’en est également trouvée renforcée parce que la province a décidé d’utiliser le vote bloqué en faveur de sa réélection lors du prochain congrès national.
L’ANC a 244 900 membres dans le KwaZulu-Natal, et c’est cette province qui enverra au congrès national la plus grosse délégation provinciale. D’après les observateurs, le facteur déterminant lors de la bataille pour la direction de l’ANC au congrès de Mangaung sera la taille des délégations provinciales.
L’année dernière, peu de temps après qu’on a su que Mkhize était l’un des présumés meneurs de la rencontre secrète d’Estcourt avec, entre autres, le ministre de l’Habitat [Human Settlements], Tokyo Sexwale, le ministre des Arts et de la Culture, Paul Mashatile, et l’ex-président (expulsé) de la ligue de la Jeunesse, Julius Malema, afin de discuter des moyens de chasser du pouvoir Zuma, les branches de l’ANC au niveau de la province ont parlé de remplacer Mkhize à la direction provinciale de l’ANC par le responsable du gouvernement provincial pour l’Éducation, Senzo Mchunu.
Mais, depuis, Mkhize a pris ses distances par rapport au groupe dit ‘Mvela”, qui veut voir Motlanthe remplacer Zuma au congrès de Mangaung.
Selon plusieurs dirigeants régionaux, Mkhize serait réélu sans opposition. Mais, après Mangaung, la province pousserait pour que Mkhize entre au gouvernement national et que Mchunu devienne le Premier ministre du KwaZulu-Natal.
Ce sont principalement des dirigeants de l’ANC au niveau des deux principales régions de la province, Ethekwini et la Côte Nord, appelées également région Musa Dladla, qui ont élaboré cet accord, perçu comme étant un compromis. Parmi les dirigeants de l’ANC originaires de cette région on compte Zuma lui-même, Mchunu, le ministre de la Police, Nathi Mthethwa, et le ministre du Travail, Mildred Olifant.
Le secrétaire général de l’ANC au niveau provincial, Sihle Zikalala, s’est refusé à tout commentaire sur ce point, déclarant que les questions relatives à la direction de l’ANC étaient débattues seulement en interne par les structures du parti.
« Nous ne sommes pas des sources Nous sommes des révolutionnaires », a affirmé Zikalala.
Mpumalanga
Cette semaine, le Premier ministre du Mpumalanga, David Mabuza, qui est aussi le président provincial de l’ANC, a fait le premier pas dans la période préparatoire au congrès provincial du parti prévu en avril en organisant apparemment le renvoi de Kgotso Motloung comme maire adjoint de Gert Sibande.
Motloung, qui est aussi le président de la Ligue de la Jeunesse au niveau de la province, est un proche allié de Malema.
Au cours de ces derniers mois, Motloung a fait clairement entendre que la Ligue ne soutiendrait pas la réélection de Mabuza, à cause des profondes divisions au sein du parti, de la corruption largement répandue au niveau du gouvernement et des mauvais résultats dans les services rendus au niveau de la province depuis sa prise de fonctions en août 2008.
L’année dernière, quelques mois avant le congrès de Gallagher Estate à Midrand pour les élections des dirigeants de la Ligue, Motloung avait également défié les instructions données par Mabuza de ne pas soutenir la candidature de Malema à la présidence de la Ligue de la Jeunesse.
Jeudi la Ligue de la Jeunesse a réagi avec colère en apprenant le renvoi de Motloung.
Motloung et plusieurs dirigeants de la Cosatu et du Parti communiste sud-africain veulent remplacer Mabuza par Clifford Mkasi, le trésorier de l’ANC au niveau provincial et le responsable des Travaux publics, des Routes et du Transport dans le gouvernement de la province.
Si Mkasi est élu président lors du congrès provincial qui se tiendra dans deux semaines, le soutien de Zuma dans la province pourrait s’en trouver affaibli. Avec Mkasi à la tête de l’ANC de la province de Mpumalanga, celle-ci soutiendrait à coup sûr Motlanthe.
Inversement la réélection de Mabuza renforcerait considérablement les chances qu’a Zuma d’être réélu pour un deuxième mandat. L’an dernier Mabuza a gagné le soutien de quatre régions, bien que les résultats aient été contestés.
Contacté à ce sujet, le secrétaire provincial de l’ANC, Lucky Ndinisa, a nié toute irrégularité lors des congrès régionaux de l’an passé.
L’État Libre
On dit que l’État Libre est en état d’ »anarchie » et, à en croire des dirigeants importants de cette province, les chefs de l’ANC font connaître leurs préférences bien avant la conférence du parti prévue en juin.
Plusieurs branches de l’ANC et la Ligue de la Jeunesse appellent au renvoi du président provincial de l’ANC, qui est aussi le Premier ministre de la province, Ace Magashule, qui est à la tête, selon eux, d’un gouvernement largement corrompu. Mais il reste populaire et ne se laissera probablement pas faire.
Magashule a été également accusé d’avoir procédé à une purge « stalinienne », par laquelle ses ennemis ont été renvoyés de postes importants de la fonction publique et se sont vus exclus du soi-disant redéploiement des cadres.
Le groupe anti-Magashule pousse à son remplacement par le secrétaire provincal, Sibongile Besani.
Le Premier ministre est un allié proche de Zuma et sa réélection augmentera les chances de Zuma.
Le président provincial de la Ligue de la Jeunesse, Kgotso Morapeloa, a déclaré cette semaine qu’une seule région de la Ligue –et ce malgré l’appel qu’elle a lancé pour que tombe Magashule– avait annoncé le soutenir.
Plus tôt dans la semaine, le directeur de la municipalité de Naledi, Thami Tukani, avait été retrouvé mort dans sa voiture et certains craignent que ce ne soit un assassinat à mobile politique.
La police a dit avoir ouvert une enquête sur cette affaire.
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Publié par Mail & Guardian du 16/03/2012 par CHARLES MOLELE & MATUMA LETSOALO
Source : http://mg.co.za/article/2012-03-16-motlanthe-squares-up-to-zuma/