La décision de mettre à l’écart du parti pour cinq ans Julius Malema, le bouillant leader de l’organisation de jeunesse de l’ANC (ANCYL) a provoqué un grand soulagement dans le monde politique et celui des affaires. Son leitmotiv sur les nationalisations, minières particulièrement, avait créé une grande confusion dans ces milieux. Si le patronat minier a montré tout au long de cette crise un certain détachement vis à vis des déclarations de plus en plus tonitruantes de Malema, s’attachant à ne pas manifester la moindre panique, l’inquiétude était, cependant, perceptible. L’inquiétude que les slogans des jeunes de l’ANC ne trouvent un répondant dans les parties les plus défavorisées des Sud africains et surtout deviennent un accélérateur de la crise de succession qui sévit au sein de la direction de l’ANC. La décision de le sanctionner ou pas a profondément divisé les directions des trois composantes de l’alliance gouvernementale : ANC, Cosatu et SACP (Parti communiste).
Mais c’est le déroulement de ce qui devait être une grande manifestation vers l’Union Building, le palais gouvernemental à Pretoria, qui a fini de rassurer le monde politique. Ce ne sont que quelques milliers, cinq selon les commentateurs, de jeunes qui ont défilé sur des kilomètres et remis au gouvernement un manifeste contre la pauvreté. Une manifestation haute en couleur et en chants hérités de la lutte contre l’apartheid dans la grande tradition sud africaine, mais sans aucune violence. Ce que redoutait le gouvernement et qui a permis au président Jacob Zuma de s’en attribuer la victoire.
Une victoire d’étape, peut être, mais certainement pas la fin de la crise qui secoue la direction du parti de Nelson Mandela depuis plus d’un an et de manière très visible depuis le dernier scrutin local en mai dernier, dont les résultats n’ont pas montré une baisse décisive de son audience mais en ont confirmé la tendance.
Pour contrer cette opposition intime, si l’on peut dire, car elle vient de ceux qui ont porté Jacob Zuma sur le fauteuil présidentiel, le président utilise l’arme de la justice. Sa stratégie consiste à ressortir les grandes affaires de corruption, en principe remisées sinon réglées qui ont émaillé la présidence de Thabo Mbeki. Jacob Zuma se sent à l’aise parce qu’il n’y a pas été directement mêlé, ne faisant pas partie de la clientèle politique de son prédécesseur.
Voilà donc que les colonnes des journaux se remplissent des relents du fabuleux contrat d’achat d’armement, premier fait d’armes de la présidence Mbeki en 1999 et qui a donné lieu à un tout autant fabuleux montant de pots de vin dont furent bénéficiaires corrompus et corrupteurs. Qui fut également l’occasion d’un bon coup de balai parmi les opposants au président.
Plus récemment, l’opération irakienne Food for Petrol, qui avait connu un franc succès dans la classe politique et le monde des affaires sud africains refait surface au grand dam de personnalités aussi éminentes que Kgalema Motlanthe, l’actuel vice président et Tokyo Sexwale ministre du premier gouvernement Zuma et patron d’une compagnie minière Mvelaphanda Holding.
La succession de Jacob Zuma s’annonce difficile, elle se conclura, comme pour Thabo Mbeki, par l’élection du président du parti au prochain congrès de l’ANC, en 2012. Un congrès qui risque de se dérouler sous la menace du syndicat Cosatu de quitter l’alliance gouvernementale si l’indispensable recherche de points de croissance coûte trop cher aux travailleurs, sous le chantage de Julius Malema de ne pas déposer les armes des slogans démagogiques, face, enfin, aux intrigues des anciens alliés de Jacob Zuma qui ne veulent pas rater, une nouvelle fois, le chemin menant à la présidence du pays.