Oct 052012
 

Photo de Evans Ramogka (qui a demandé à ce qu’on ne voit pas son visage) Par Mandy de Waal

Evans Ramogka est jeune, éloquent, énergique et charismatique. Il est le leader de ce qu’il appelle une « révolution minière » chez Amplats près de Rustenburg. Là-bas, les travailleurs le protègent, la police le recherche, et il veut créer un nouveau syndicat. L’Afrique du Sud ferait bien de retenir son nom. Par MANDY DE WAAL.

« Ce mineur cause des soucis » a dit de Ramogka le capitaine Dennis Adriao, de la police.

C’était en réaction aux affirmations de Ramogka selon lesquelles un mineur avait été renversé et tué la semaine dernière par un véhicule blindé appartenant à la police aux abords du bidonville de Sondela. Adriao indique que la police n’est au courant d’aucun décès résultant de son intervention. Le porte-parole de SAPS 1 précise qu’il a lui-même téléphoné aux hôpitaux locaux ainsi qu’aux morgues, et qu’aucun décès ne lui a été signalé.

Lorsqu’on a demandé à Ramogka pourquoi il n’était pas en mesure de fournir un nom ou des explications sur ce qu’il était advenu du corps, le jeune homme a affirmé avoir enquêté sur l’incident et, selon lui, la police a fait disparaître le corps.

Cela n’invalide pas ce qu’Adriao a dit de Ramogka – sauf que les « soucis » causés par Ramogka pourraient avoir des conséquences bien plus vastes.

Ramogka voit encore plus grand. Après avoir contribué à mener une grève sauvage qui a vu la proportion d’ouvriers non grévistes descendre jusqu’à 20% des effectifs, le jeune opérateur de treuil dans la mine de Khuseleka appartenant à Anglo American Platinum dit qu’il veut créer un nouveau syndicat.

« En ce moment nous réfléchissons au moyen de bâtir une nouvelle organisation ; nous n’avons plus confiance dans les syndicats existants » a-t-il déclaré. « Même AMCU (Association of Mineworkers and Construction Union 2) pose problème car nous ne connaissons pas son origine ni ses intentions. Nous voulons démarrer au point mort, pour un nouveau départ. »

Amplats a menacé d’attaquer les grévistes en justice s’ils ne reprenaient pas le travail. Ramogka a été amené à Johannesbourg par des organisations citoyennes travaillant au soutien des ouvriers affectés par la crise minière en cours.

Ramogka est sérieux, passionné et plutôt éloquent.

« Les madoda 3, ils ne veulent pas que j’aille là où la police se trouve. Ils me protègent », affirme-t-il. Il dit que la police lui a téléphoné plusieurs fois et qu’elle souhaite qu’il se présente au commissariat pour interrogatoire.

Ramokga déclare n’avoir jamais vraiment voulu être mineur.

« Une fois que j’ai eu mon bac, ma sœur m’a payé une École des Mines, puis j’ai dû trouver du boulot » raconte-t-il. « Nous n’avions pas d’argent ou de ressources, alors j’ai décidé d’aller travailler pour les mines en espérant qu’avec le temps elles développeraient mes compétences. »

Les mines « développent » en effet les compétences de Ramogka mais ce n’est probablement pas le développement que les dirigeants d’Amplats envisageaient. La presse locale et la presse internationale ont rapporté ses propos selon lesquels les grévistes forceraient les mines de Rustenburg à mettre genou à terre.

« Depuis le mois de mars nous présentons un mémorandum de nos demandes au syndicat, qui est le NUM 4, mais il ne nous a jamais répondu pour nous préciser que la direction était en mesure de nous accorder ceci ou cela » nous a-t-il dit. « Nous n’avons aucun retour de leur part. Le 31 mai, nous nous sommes rendus à leur bureau régional pour leur demander s’ils pouvaient venir nous aider, en leur expliquant que la section qui nous contrôle n’avait aucun contact avec nous. L’union régionale nous a, elle aussi, laissés tomber. Alors en tant que travailleurs de la mine nous avons élu cinq représentants pour apporter ce mémorandum à la direction de la mine. »

Selon lui, les mineurs veulent une nouvelle grille de salaires accompagnée d’une augmentation.

« Le problème avec Anglo, c’est qu’il y a environ 30% à 40% des travailleurs qui touchent un plus gros salaire que les autres. Notre grève n’est pas comme celle de Marikana – nous ne nous battons pas pour ce qui n’existe pas. Nous nous battons pour ce qui existe. »

Il dit que le puissant NUM ne leur a apporté aucune aide – même si les travailleurs paient toujours leur adhésion.

« Ils ne veulent pas entendre parler de nous. Les travailleurs sont en colère et soutiennent que même si la grève se termine, ils ne veulent plus être représentés pas le NUM » a-t-il dit. « Maintenant nous savons pourquoi : le NUM possède des actions dans les compagnies minières. C’est pour ça qu’ils sont au courant de la moindre demande. Désormais nous le savons, bien que nous l’ignorions au départ. Nous avons toujours soutenu le NUM. Dans nos têtes, c’était la direction de la mine qui snobait nos organisations ouvrières, mais maintenant nous savons que ce n’était pas cela. »

City Press a rapporté au mois d’août que le National Union of Mineworkers (NUM) faisait « des bonnes affaires » dans le secteur minier.

« La compagnie immobilière du NUM, Numprop, est liée au travers de projets de logements à au moins deux entreprises minières, Xstrata et Harmony Gold, et ce, en dépit du fait que le syndicat déclare explicitement ne pas investir dans les secteurs dans lesquels il opère, afin d’éviter tout conflit d’intérêts » était-il rapporté.

Ramogka a ajouté qu’un nouveau départ permettrait aux travailleurs de mieux comprendre la politique et le syndicalisme.

Mais Ramogka et ses collègues ouvriers seront-ils autorisés par le NUM, par la direction de la mine et par le personnel politique attaché à ses acquis à créer un nouveau syndicat ? Si on doit se fier au sentiment général lors du récent congrès de la COSATU 5, le pronostic est très largement en leur défaveur. DM

Source : http://dailymaverick.co.za/article/2012-09-25-meet-evans-ramokga-a-thorn-in-amplats-side

Traduction Jean Pierre et Yan Richard.