Mathews Phosa est né le 1er septembre 1952 à Mbombela Township de Nelspruit, à l’époque dans l’Eastern Transvaal, aujourd’hui capitale du la province du Mpumalanga. Il grandit en zone rurale sous la responsabilité de son grand père, en 1981 il ouvre son premier cabinet d’avocat à Nelspruit.
Militant de l’ANC dans sa région, en 1985, il s’exile alors que les affrontements entre la police et les militants anti-apartheid sont d’une violence inégalée dans la plupart des townships du pays. Un an plus tard, au Mozambique, indépendant depuis 1975, il devient le commandant régional de Umkhonto we Swize (fer de lance de la nation) la branche militaire de l’ANC. On lui attribue, à cette époque, le fait d’avoir convaincu le roi du Swaziland de résister au pouvoir blanc de l’apartheid malgré les promesses d’agrandissement de son royaume. Le Swaziland est un royaume enclavé en Afrique du sud dont une de ses frontières est commune avec le Mozambique.
Il fut le premier dirigeant en exil à rentrer en Afrique du sud en 1990. Il s’est ainsi intégré très tôt dans les initiatives et les négociations de sortie de l’apartheid. Il a notamment été un des négociateurs des conditions de la levée de l’interdiction de l’ANC et des partis noirs et un des membres important de Convention for a Democratic South Africa (CODESA). En tant qu’avocat et responsable du département légal de l’ANC, il s’est violemment opposé au Minister of Law and Order, Hernus Kriel, et réussi à lui imposer une investigation commune de la police sud africaine et des services de l’ANC sur l’assassinat de Chris Hani, en avril 1993. On présentait, alors, Chris Hani comme le dauphin de Mandela. Les conclusions de l’enquête n’ont d’ailleurs jamais été claires, la responsabilité de Thabo Mbeki a été citée à plusieurs reprises jusqu’à ce que la Commission Vérité et Réconciliation (TRC) lève explicitement tous les soupçons pesant sur lui.
En 1994, il est élu premier ministre du gouvernement provincial de la nouvelle province du Mpumalanga, en 1997 il devient membre du National Executive Committee (NEC) de l’ANC et en 2007, lors de la 52ème conférence élective, à Mafikeng, il est élu trésorier national, poste qu’il a occupé jusqu’à la dernière conférence en décembre dernier à Mangaung. A ce titre il a intègré le fameux Top Six du mouvement.
L’année de son intégration dans le NEC il devient président du groupe Vuka Alliance, à la tête d’une équipe de Entrepreneurs noirs. Il acquiert 50% du capital de la compagnie minière Ruslyn Mining and Plant Hire, une des premières expériences achevées de BEE. Il occupe depuis plusieurs tops position dans des compagnies telles que Alliance Mining Corporation, Jubilee Platinium, Braemore Resources and Hans Merensky Holdings. Sa carrière dans le business n’est pas aussi brillante que celle de Patrice Motsepe, mais il a été loin de bénéficier du même soutien de la part du président Mbeki, ou de celle de Cyril Ramaphosa, devenu propriétaire d’une bonne partie des media sud africains ou, dans une moindre mesure, de celle de Tokyo Sexwale, concurrent de Motsepe dans le secteur minier. Il parle neuf langues, dont l’afrikaans, qu’il utilisera dans ses activités littéraires, Phosa est l’auteur de quelques recueils de poèmes, dont deux écrits dans cette langue.
Sa carrière politique devient quelque peu agitée lors de la préparation de la conférence de Polokwane, en 2007. Certes, il avait essuyé en 1997, un rejet de sa candidature au poste de vice président du mouvement au profit de Jacob Zuma, plus grave il avait été accusé, ainsi que Cyril Ramaphosa et Tokyo Sexwale de tentative de coup d’Etat pour renverser Thabo Mbeki, en 2001, mais c’est depuis l’élections de Jacob Zuma à la tête de l’ANC qu’il devient incontournable. Il a été l’acteur le plus déterminant dans cette élection et ce qui en a suivi : l’éviction de Thabo Mbeki 18 mois avant la fin de son mandat. Il a conduit ces deux élections de Zuma, celle du parti en 2007 et celle du pays en 2009, comme des combats militaires. Il a montré sa capacité à construire des groupes de pression, notamment dans le milieu des affaires. Il a, au prix d’une propagande effrénée contre lui, soutenu ponctuellement le dirigeant de l’ANCYL, Julius Malema, contre Jacob Zuma. Une manoeuvre qui a fait perdre à Zuma le soutien des délégués de la province du Limpopo à la conférence de Mangaung.
Son bilan de trésorier est salué positivement. Il a reconstitué les finances de l’ANC, qui, de congrès en congrès ne se montraient pas très en forme. Il a su bénéficier du mouvement de solidarité à l’occasion des célébrations du centenaire.
Pourquoi aujourd’hui la carrière politique de Mathews Phosa est devenue un objet d’intenses polémiques ?
Parce qu’il livre, dans le cadre de la conférence de Mangaung, un de ses plus grands défis. Pendant toute cette camapgne il s’est montré obsédé par la chute de Jacob Zuma, une obsession qu’il justifie par le fait de sa trahison. A l’en croire, le président s’était engagé à ne postuler qu’un seul mandat. Mathews Phosa ne cache pas qu’il a toujours considéré que Zuma ne pouvait être que l’aiguillon pour limoger Thabo Mbeki. Il a perdu la bataille, le vote des délégués de la Conférence de Mangaung a été sans appel, 75% pour la reconduction de Jacob Zuma, 25% pour son candidat, Kgalema Motlanthe.
Il est encore trop tôt pour prédire une fin définitive aux projets de Phosa. Certains lui ont prêté, durant la bataille contre Zuma, l’espoir d’être, en 2014, vice président du pays. Peut-il encore rebondir alors ses amis ont été exclus de tous les postes dans toutes les directions du parti ? Tout dépendra des quinze mois qui séparent la conférence de l’ANC et le scrutin général d’avril 2014. Une période bien sensible.