Savoir qui sera candidat à la direction de l’Alliance démocratique (DA) dans la province de Gauteng, et qui sera élu, constituera un test des efforts déployés par ce parti pour se redéfinir en tant que pôle d’attraction vis à vis des électeurs ne faisant pas partie de sa base traditionnelle (des bourgeois centristes [liberals], majoritairement blancs) et pour sonder les possibilités grandissante d’un soutien noir.
IOL-Sunday Ind. du 23/01/2012 par Marianne Merten
Cette semaine, le député Ian Ollis a fait connaître -en personne et sur les réseaux sociaux- ses intentions, sous le slogan « Bataille pour Gauteng ». Trois jours plus tard, John Moodey, député à l’assemblée provinciale de cette province, déclarait sa candidature.
A l’approche de la date limite pour le dépôt des candidatures, tous les regards se sont tournés vers Mmusi Maimane, porte-parole national de l’Alliance démocratique, une des étoiles montantes du parti, afin de voir s’il entrerait à son tour en lice. Maimane, qui dirige également le groupe DA à la Mairie de Johannesbourg, a d’ores et déjà annoncé qu’il y réfléchissait. Il en va de même de la sortante, Janet Semple, qui a déclaré au Sunday Independent « se tenir prête ».
Pour l’Alliance démocratique, les deux mois qui viennent comportent des enjeux de taille : outre Gauteng, au moins deux autres provinces, le Northern Cape et le Nord-Ouest, doivent tenir leur congrès et y élire leurs dirigeants.
L’an passé, la bataille pour la direction du groupe parlementaire, entre la députée du parti Lindiwe Mazibuko, qui faisait relativement figure de nouvelle venue, et Athol Trollip, un des « barons » du parti, un liberal du Cap oriental, a mis en relief les tensions entre de jeunes militants pleins d’avenir, majoritairement noirs, et les partisans traditionnels de ce parti et de son ancêtre le Parti démocratique (DP).
Une fracture du même type pourrait se produire dans la province de Gauteng – aggravée par le fait qu’aux yeux de beaucoup de ceux qui vivent dans ce qui est le cœur du pays (la province rassemble Johannesburg et Pretoria (NDLR), l’Alliance démocratique du Cap occidental, où la chef du parti, Helen Zille, est Premier ministre, occupe depuis trop longtemps le devant de la scène. Historiquement, Gauteng -et en particulier Johannesburg- revêt une importance vitale pour le parti, aussi bien quant au nombre d’adhérents que sur le plan du financement.
Ollis a indiqué qu’il ferait une campagne élargie, sur le modèle de l’équipe de Mazibuko, alors que Moodey a dit au Sunday Independent qu’il démarcherait les adhérents du parti, dont les 1 137 délégués trancheront dans cette « élection interne ».
Selon Zwelethu Jolobe, qui enseigne les Sciences politiques à l’université du Cap, plus l’Alliance démocratique mettra de temps à se démarquer des liberals d’autrefois, et des rescapés du Parti national gagnés après sa dissolution il y a une dizaine d’années, plus difficile sera pour elle d’imposer l’image d’une force d’alternance politique crédible à l’audience élargie.
Pour Jolobe, « c’est l’ANC qui ressemble bien plus à un parti national… L’Alliance démocratique, elle, est jeune et en pleine refondation ».
Selon lui, c’est maintenant au noyau « traditionnel » du Parti démocratique de s’effacer pour « céder le pouvoir » à une génération de jeunes dirigeants, majoritairement noirs. Sinon, cela pourrait vouloir dire qu’est enterrée la promesse faite par Zille d’une « diversification à la tête du parti ».
D’après Jolobe, « il y a beaucoup de dirigeants de l’Alliance démocratique qui n’ont pas encore pris conscience du fait que, pour l’avenir même de leur organisation, il faut qu’elle devienne bien plus multiraciale. Pour qu’elle se développe, elle doit refléter l’Afrique du Sud dans sa diversité ». « Tous ces vieux Anglophones blancs doivent s’écarter un peu pour que l’Alliance démocratique grandisse. Il faut qu’elle prépare des hommes et des femmes qui sont noirs et ne sont pas des anglophones. Pas pour tout de suite mais pour les élections qui suivront les deux prochaines. »
D’après Jolobe, dire que le facteur racial ne compte pas dans la refondation de l’Alliance démocratique manque de sincérité. Dans le monde entier, ce genre de « préoccupations » entrent en ligne de compte dans la réflexion des partis politiques.
Selon Jolobe, « l’interprétation qu’a l’Alliance démocratique de l’action politique – l’idée d’une méritocratie—reste une abstraction, car la politique, c’est jouer sur les opinions des gens ».
Pour Maimane, décider d’être ou non candidat à la direction du parti pourrait s’avérer difficile. Il occupe déjà deux postes importants : porte-parole national et leader de la branche de Johannesbourg. Présenté dans les textes de l’AD comme étant celui qui « symbolise l’avenir du parti » et « un jeune de talent acquis aux valeurs d’une société démocratique où tout le monde a ses chances, principes sur lesquels se construit le parti », Maimane pourrait également avoir à prendre en compte d’autres éléments de stratégie politique : ayant été le candidat de l’Alliance démocratique aux élections municipales du 18 mai dernier et le fer de lance de la campagne, il pourrait prétendre à la candidature du Premier ministre de Gauteng en 2014.
Moodey, dont on dit qu’il a le soutien de nombreux représentants noirs dans le parti, souffre d’un manque de notoriété à l’extérieur de Gauteng. Il semble pourtant avoir entendu ceux qui lui demandent de se porter candidat et de s’engager, en même temps, à servir le parti et les diverses communautés qui se sont éloignées de la politique.
Ollis bénéficie du soutien des Jeunes de l’Alliance démocratique au niveau de la province, grâce à son engagement dans la défense de leurs exigences. Parce que 46 % des adhérents appartiennent à ce groupe d’âge, Ollis devrait pouvoir compter sur un soutien substantiel, renforcé par les adhérents de Johannesburg, où il est conseiller depuis environ cinq ans et qui reste sa base électorale pour la députation.
Selon Jolobe, la bataille pour les postes à la direction du parti donnera, dans tous les cas, des éléments d’analyse précieux de sa future stratégie électorale pour le scrutin de 2014.
D’après lui, « les choix des électeurs lors des scrutins nationaux sont très, très différents de leur vote aux élections locales. Il ne s’agit plus alors de savoir qui peut ramasser les ordures ou réparer la chaussée mais de questions plus larges ». « Dans le contexte sud-africain, le passé et l’histoire comptent beaucoup. Actuellement, l’Alliance démocratique est tout simplement encore trop jeune ».
Jolobe doute de la victoire déjà annoncée par l’Alliance démocratique à Gauteng – et dans le Northern Cap – aux élections de 2014. « Impossible de contrôler Gauteng si on n’a pas un soutien suffisant dans le Limpopo, le Nord-Ouest et l’État libre », affirme-t-il, en soulignant le grand nombre de travailleurs migrants originaires de ces provinces et vivant à Gauteng.
« Il est positif que l’Alliance démocratique ait envie de s’agrandir. Pour l’instant je ne crois pas qu’à court terme ils soient en mesure de gouverner », et Jolobe d’ajouter qu’historiquement Gauteng, et surtout Johannesburg, sont profondément liées à l’ANC pour des raisons liées à son histoire : que l’on songe au rôle joué par des personnalités telles que Nelson Mandela ou à des événements cruciaux comme le Procès de Rivonia.
Fin janvier, le Northern Cape va sans doute réélire Andrew Louw à la tête de la province, même si deux autres personnes ont déclaré vouloir se porter candidates à ce poste.
Mais le parti devrait y avoir un nouveau président. En poste depuis 2008, le sortant, Allen Grootboom, ne se représente pas. Parmi les candidats se trouve Harold Mcgluwa, l’un des dirigeants des Démocrates indépendants (ID, qui a récemment fusionné avec AD (NDLR).
Le congrès de l’Alliance démocratique de Gauteng se tiendra le 10 mars et celui du Nord-Ouest une semaine plus tard.
Traduction J.P. et W. Richard.
Source : http://www.iol.co.za/sundayindependent/gauteng-contest-will-be-a-big-test-for-da-1.1218399