En considérant rétrospectivement une année à deux coupes du monde et la gueule de bois laissée par une autre, l’année 2011 n’a pas été très bienveillante à l’égard de l’Afrique du Sud, mises à part quelques éclaboussures dans la piscine. Dans DAILY MAVERICK du 27/12/2011, STYLI CHARALAMBOUS a du mal à digérer une année entamée avec plein de promesses sportives mais qui finalement nous a valu des brûlures d’estomac.
Cette année m’a beaucoup rappelé 1999. Elle a débuté dans la grande impatience de vivre mes deux coupes du monde préférées, avec les Proteas et les Springboks possédant des chances plus qu’élevées d’aller à la victoire. Et tout comme en 99, les fans de rugby et de cricket, depuis si longtemps au régime sec, n’ont eu encore une fois que de copieuses portions de colère et de frustration à se mettre sous la dent après la double et piteuse élimination de l’Afrique du Sud.
À l’époque, lors des coupes du monde 99, je me revois en train de passer deux séries de partiels super durs, avec des pauses de cinq minutes pendant les révisions qui trouvaient le moyen de se transformer en après-midi entières, voire plus. Alors que l’université et l’ICC (International Cricket Council) se liguaient pour faire échouer l’une et l’autre mes camarades de classe, j’avais eu la chance d’avoir à ma disposition le double remède que sont les soirées étudiantes et le droit fiscal, pour me servir d’anesthésiant face à la débâcle d’Edgbaston qui continue de me hanter tout comme nombre d’autres fans des Proteas qui ne s’en sont jamais remis.
Nous avons désormais une idée du niveau de tricherie atteint lors de cette coupe du monde, mais cela n’atténue en rien la douleur liée à cette tragédie sportive. En 99, les principaux responsables de notre chagrin ont été les Australiens, un sportif corrompu (le batteur Hansie Cronje) et le drop le plus foireux et le plus déchirant de l’histoire des Springboks.
Et donc pas grand-chose n’a changé. En 2011, dans la dernière version en date de ce conte sportif, les Australiens ont repris le rôle de « grands méchants », avec l’aide efficace d’un sportif corrompu (insérer ici le nom d’un arbitre néo-zélandais) et du drop le plus déchirant dans l’histoire des Springboks (celui qu’a raté Pat Lambie en quart de finale).
C’est assez risqué d’accuser (insérer ici le nom d’un arbitre néo-zélandais) d’être corrompu, mais telle est la seule conclusion sensée à laquelle j’arrive, après ce qui semble avoir été une coupe de monde fabriquée pour faire gagner la Nouvelle-Zélande : à commencer par le scandale qui avait accompagné en 2005 le processus de désignation de la Nouvelle-Zélande comme pays hôte, jusqu’à cet horrible quart de finale, sans parler de la nomination d’un arbitre des plus moyens pour gérer les tours d’arbitrage pendant la compétition. Tout cela sent à plein nez la connivence et la tricherie dans des proportions dignes des pratiques du Gouvernement de la Province du Limpopo. Et, au cas où vous vous dites que j’ai définitivement perdu la boule, voici un test des plus simples à effectuer la prochaine fois que vous irez à l’étranger. Demandez à n’importe quel amateur de sport impartial de visionner la demi-finale de cricket d’Edgbaston et le quart de finale d’Auckland. Puis demandez-lui lequel des deux a le plus de chances d’avoir été arrangé.
L’Afrique du Sud avait la meilleure équipe dans la coupe du monde de rugby cette année, et même si nous ne nous sommes pas carrément fait voler le titre par ce (insérer ici un juron et le nom d’un arbitre néo-zélandais), il est indéniable qu’on nous a empêchés de tenter équitablement notre chance.
Hélas, on ne peut pas en dire autant de leurs collègues joueurs de cricket, qui étaient partis à la recherche d’un insaisissable premier titre de champion du monde, ainsi que d’une très nécessaire rédemption, chez les co-organisateurs de la coupe du monde : Inde – Sri Lanka – Bangladesh. Graeme Smith et ses hommes, comme c’est le cas de la plupart des équipes Proteas, ont paru redoutables dans les premiers tours de la compétition, allant jusqu’à démembrer l’Inde, le pays hôte et vainqueur final, sur l’énorme score de 296 runs, à Nagpur.
Alors que les fans nourrissaient des craintes quant à la performance de notre contingent de bowlers sur le sous-continent indien, en fait ce sont les batsmen qui ont écrit un chapitre de plus dans l’histoire de nos cœurs brisés en coupe du monde, en se montrant solides comme des chiffes. Lors d’un quart de finale où ils devaient normalement écrabouiller l’adversaire, les Proteas ont justifié leur réputation d’équipe qui s’écroule dans les moments décisifs en n’atteignant même pas le modeste mais symbolique total de 222. Avec 108/2, les Proteas étaient bien partis mais ils ont quand même réussi à échouer de 49 runs, avec les batsmen sud-africains faisant la queue dans le vestiaire, impatients d’appuyer sur le bouton rouge vif de l’autodestruction.
Peu de temps après la coupe du monde, le traditionnel changement de régime qui accompagne les défaites de cette magnitude a eu lieu, avec la mise à l’écart de l’encadrement sportif provisoire et l’éviction du capitaine. Il reste encore aux nouvelles recrues à se couvrir de gloire, puisqu’elles ont laissé une Australie au rabais rentrer chez elle avec une victoire lors d’une série de matches internationaux sur une journée (ODI, One Day Internationals) et un nul lors de la série de test matches. Seul l’avenir nous dira si, avec de nouveaux dirigeants, cette équipe peut être purgée de l’esprit de capitulation sous la pression, qui l’étreint comme un étau.
Au moins les Proteas, eux, s’étaient qualifiés pour le tournoi, contrairement à Pitso Mosmiane et sa joyeuse bande d’assistants et d’administrateurs ignorants. Peu de gens voyaient les Bafana Bafana passer les éliminatoires de la coupe du monde de football de la FIFA en 2010, mais les promesses liées à leurs prestations nous avaient tous maintenus accrochés à nos maillots Bafana jaune vif, prêts à pousser nos gars vers la gloire en coupe d’Afrique des Nations. Ou pas.
Dans ce qui est peut-être la scène la plus embarrassante que le monde du sport ait connue ces dernières années, on a vu les membres de l’équipe nationale danser sur le terrain, fêtant leur qualification pour la CAN (Coupe d’Afrique des Nations) après un match nul et vierge 0-0 contre la Sierra Leone. Les célébrations se sont vite changées en lamentations lorsqu’une étude approfondie (et peut-être inédite) du règlement relatif aux qualifications a révélé que le Niger passait, malgré une défaite 3-0 face à l’Égypte lors du dernier match, et que le tournoi allait de manière invraisemblable se jouer sans ces géants africains que sont l’Égypte, le Nigeria… et l’Afrique du Sud !
Ainsi, les trois grands sports sud-africains ne remportant aucun titre de gloire sur la scène internationale, c’est aux « petits », tels que la natation, l’athlétisme et le tennis, qu’est revenue la tâche de donner un peu de lustre à l’année sportive. Chad Le Clos, 19 ans, de Durban, a imité Ryk Neethling et Cameron van der Burgh, deux légendes des bassins, en remportant le titre mondial dans la Coupe du monde de natation FINA (Fédération internationale de Natation)/Arena de Dubaï, titre disputé sur plusieurs courses. Arrivé comme remplaçant de dernière minute, Le Clos reconnaît un facteur chance dans sa victoire à Dubaï. Malgré un beau palmarès aux J.O. et aux championnats du monde, la natation en tant que sport continue de passer relativement inaperçue, alors que nous devrions fêter ces succès. Ne doutons pas qu’un lucratif contrat de pub avec un bijoutier attend notre dernier prodige de la natation.
Aux championnats du monde d’athlétisme en Corée du Sud, une fois de plus l’équipe nationale sud-africaine n’a pas réussi à bien figurer au classement total des médailles, en dépit de plusieurs belles performances individuelles. Oscar Pistorius, l’homme-sans-jambes le plus rapide du monde, nous a fait vibrer en atteignant les demi-finales du 400m, avant de s’essouffler.
Élément clé du relais jusqu’à la finale, Pistorius s’est vu finalement écarté au profit du spécialiste du 400m haies, LJ van Zyl, qui n’est pas handicapé. Pistorius a malgré tout laissé dans ces jeux son empreinte (en carbone) en gagnant une médaille d’argent en tant que membre du relais 4 x 400m, qui a fini deuxième, derrière les États-Unis, et cela grâce à sa participation aux séries. Caster Semenya a été notre seule médaillée d’argent en individuel de ces championnats, accomplissant sa prouesse lors du 800m, sans avoir dû se plier cette fois-ci à un test de féminité…
En février, on a vu un Sud-Africain gagner un tournoi ATP 500 pour la seconde fois seulement en huit ans. Kevin Anderson a remporté l’Open d’Afrique du Sud de tennis à Monte Casino face à un beau plateau d’adversaires et il a terminé l’année tout près de son meilleur classement en carrière, soit 30e. Âgé de 25 ans et gagnant toujours en stature, il ne tardera pas à participer aux derniers tours dans les tournois du Grand Chelem. S’il ne le fait pas, il est probable que peu de gens en dehors du milieu du tennis reconnaîtront dans la rue ce professionnel haut de deux mètres. Chanelle Scheepers a remporté son premier tournoi WTA (World Tennis Association) en septembre, la propulsant au rang de 37e mondiale, le meilleur classement de sa carrière. Ces victoires sont comme une oasis dans le désert du tennis sud-africain, et avec un peu de chance ces deux-là iront plus loin dans le circuit professionnel, à partir de cette année record pour eux.
Ce qui est bien avec le sport, c’est que les fans ont généralement la mémoire assez courte et tout succès notable nous portera encore une fois à un nirvana temporaire. 2011 a été pour nous une année globalement épouvantable sur le front du sport, mais avec la nouvelle année, on peut se tourner vers de nouveaux défis, de nouvelles compétitions et, surtout, d’alléchantes perspectives de revanche. DM
Photo: REUTERS
Source : http://dailymaverick.co.za/article/2011-12-27-2011-the-sporting-year-that-wasnt