L’opinion est unanime : au lendemain de l’annonce d’un taux de réussite de 70.2% au baccalauréat sud-africain ou diplôme national d’études secondaires, pour le gouvernement, la société civile et les analystes cela représente une amélioration notable, qui s’était fait attendre. Mais aux yeux de beaucoup ce progrès masque certains signes inquiétants.
Greg Nicolson pour Daily Maverick du 6/01/2011
Sans surprise, l’ ANC et les responsables de l’Éducation au sein des gouvernements provinciaux étaient très optimistes quant à cette évolution. Il a été dit qu’il y aurait davantage d’étudiants à aller à l’université dans les provinces de Gauteng et du Cap occidental ; que l’amélioration dans l’État Libre était due à ‘l’environnement scolaire positif’ ; que le KwaZulu-Natal avait remporté une victoire sur l’ancienne ‘Éducation bantoue’ du temps de l’apartheid et que la province du Limpopo avait réduit de moitié en deux ans le nombre d’écoles se situant au-dessous du niveau souhaité. Le porte-parole de l’ ANC, Jackson Mthembu, a déclaré que cette amélioration prouvait l’utilité de la rencontre ayant eu lieu entre le président Jacob Zuma et quelque 1500 directeurs d’école, peu après sa prise de fonctions en 2009, afin de mieux connaître les difficultés auxquelles ils étaient confrontés.
Cette réaction est compréhensible si on considère que c’est la première fois depuis 2004 que plus de 70% des élèves sont reçus à cet examen. Après avoir félicité les lauréats, la société civile et les analystes ont néanmoins indiqué que le taux d’abandon scolaire et la qualité de l’enseignement dispensé devaient nous interpeller.
Selon l’ONG Equal Education, “à ce stade il y a plusieurs sujets d’inquiétude. En 2010, 537 543 candidats se présentaient à l’examen, mais il n’y en a eu que 496 090 en 2011. 41 453 élèves, cela représente une baisse de 8%, ce qui dépasse largement l’augmentation de 2.4% du taux de réussite global”. L’organisation a également déclaré que le taux de réussite était ‘en trompe l’œil’, estimant que, puisque 923 463 élèves étaient rentrés en CP en 2000 et que seuls 496 090 s’étaient présentés au bac en 2011, le taux réel de réussite était de 38%.
AfriForum s’inquiète aussi des élèves qui vont jusqu’en terminale. Selon cette organisation, le problème est lié au manque d’enseignement dans la langue maternelle. Le directeur de l’Enseignement de base, Bobby Soobrayan, a reconnu que la compétence linguistique était un vrai problème, mais selon lui la baisse du nombre d’élèves est due au fait que les inscriptions ont atteint leur point d’équilibre. Selon lui, il n’y a pas eu de facteur restrictif particulier entre 2010 et 2011.
Mais Jonathan Clark de la faculté d’Éducation de l’université du Cap a indiqué au Mail & Guardian qu’il existait des exemples montrant que certains établissements facilitaient le passage aux élèves en difficulté dans les petites classes, avant de les retenir en classe de seconde ou en première. Equal Education était sur la même ligne : selon cette organisation, il existe une ‘véritable culture nationale qui pousse les élèves les plus faibles à ne pas se présenter aux examens’. Pour le Syndicat démocratique des enseignants sud-africains (SADTU), la baisse du nombre de candidats s’explique aussi en partie par le plus grand nombre d’élèves poursuivant leurs études dans les Centres d’enseignement et de formation supérieurs (les FET, Further Education and Training) mais il faudrait davantage d’informations sur le sujet.
Autre critique entendue ce jeudi : malgré ces résultats en progrès, la qualité de l’éducation ne suffit pas pour préparer les élèves à l’université et au monde du travail. Pour avoir leur bac, les élèves sud-africains doivent obtenir au moins 40 points sur 100 dans leur langue maternelle, autant dans deux autres matières et 30 points sur 100 dans trois autres. L‘indicateur de qualité le plus fiable est la proportion d’élèves obtenant le niveau requis pour entamer une Licence. 2011 a vu une augmentation de 1%, en sorte qu’on atteint à présent 24.3% du total des reçus, mais les critiques s’inquiètent malgré tout de la qualité de l’éducation dispensée.
« Tout en étant heureux de cette amélioration du taux de réussite, nous pouvons nous demander si cela suffit à garantir une trajectoire de forte croissance économique” a dit le directeur de la Chambre sud-africaine de Commerce et d’Industrie, Neren Rau. Selon lui, les craintes sont de plus en plus vives de voir un système éducatif incapable de préparer les élèves au monde du travail.
Face à des résultats toujours décevants en Mathématiques et en Science, Adrian Schofield, le président de l’Association sud-africaine d’Informatique (Computer Society of South Africa), a exprimé son inquiétude quant à l’avenir de l’innovation technologique. “Nous répétons le message des années précédentes. Ce déclin signifie que nous nous privons de la possibilité d’un vivier de compétences efficaces pour le XXIe siècle’, a-t-il déclaré à IT Web. “Nous avons besoin de savoir-faire pour innover dans la sphère technologique, sans quoi nous continuerons à prendre du retard sur le reste du monde.”
En 2011 les résultats en Maths font peur. Le taux de réussite a chuté d’1% pour n’atteindre que 46.3% et le nombre de candidats se présentant à l’examen dans cette matière n’a cessé de baisser. “Cette baisse continue est corrélée à l’augmentation globale du taux de réussite : quand moins d’élèves se présentent à l’épreuve de Mathématiques et plus à l’épreuve d’Initiation aux mathématiques, cela entraîne mécaniquement un meilleur taux de réussite. Selon Equal Education, ‘ce genre de progrès est artificiel’. Clarke souhaite que le ministère de l’Enseignement de base revienne sur le seuil de réussite fixé pour cette matière à 50 points sur 100, seuil obligatoire pour poursuivre les études en Sciences, en Sciences de l’ingénieur et en Médecine. Mme Motshekga a indiqué qu’elle s’inquiétait des mauvais résultats en Mathématiques : pour elle, cela fait partie des points à améliorer.
Comme par le passé, les provinces du Cap occidental et de Gauteng, fortement urbanisées, arrivent en tête des résultats, alors que le Cap oriental arrive dernier avec un taux inquiétant de seulement 58.1% de réussite. Sur un total de 81 zones éducatives, 15 ont un taux moyen de réussite inférieur à 60%, dont onze dans le Cap oriental. En 2011 le gouvernement national a pris le contrôle du ministère de l’Éducation dans cette province mais il y a peu de signes d’amélioration. La professeure Ruksana Osman, directrice de la faculté d’Éducation de l’université du Witwatersrand a indiqué au Mail & Guardian qu’étant donné tous les problèmes existant dans le Cap oriental, elle est même surprise qu’il y ait eu 58% de réussite. DM
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- Cautious Optimism Over Improved Results (Optimisme prudent face à l’amélioration des résultats) Business Day.
Source : http://dailymaverick.co.za/article/2012-01-06-2011-matric-the-reaction