On commençait à voir poindre l’embryon d’une sortie de crise après la tragédie de Marikana, lorsque jeudi après midi la nouvelle de l’inculpation pour meurtre des 270 mineurs arrêtés est tombée, alors qu’aucun policier n’est inculpé. Nouveau tollé dans la société sud africaine, nouvelle tétanisation des familles et des habitants des townships et squatters camps autour des sites miniers. Les juges ont utilisé une vielle loi sud africaine du temps de l’ancien régime « common purpose » littéralement « but commun », qui, bizarrement, n’a pas disparu de l’arsenal judiciaire post apartheid.
Mais au delà de la symbolique effrayante de cette décision, elle a été prise alors que deux commissions ont été désignées par Jacob Zuma. L’une politique, qui comporte une dizaine de ministres membres du gouvernement national et de plusieurs autres issus des gouvernements provinciaux, l’autre judiciaire composée de trois magistrats. Elles doivent rendre leurs conclusions dans les jours qui viennent. Le but de ces commissions est d’enquêter sur les causes et le déroulement des violences et répondre à l’épineuse question : qui a tiré le premier ? Des manifestants comme l’affirme la police et une partie de la classe politique, des policiers comme le clament les mineurs et certains syndicats. Une réponse décisive pour rendre un jugement, la moindre des exigences, de la part des juges, eut été d’attendre qu’elle soit délivrée par les deux commissions. A la veille du week-end, cette décision est vécue comme un nouveau choc social. Dans le milieu des affaires on se montre inquiet de ses conséquences, le Business Day affirmait dans son édition de vendredi soir que le patron des services du procureur n’avait pas été au courant de cette décision de justice.
L’inquiétude des milieux patronaux se nourrit de la contagion qui semble se répandre dans le secteur des mines et au delà sur des revendications salariales, alors que le temps de ce type de négociation est maintenant terminé. Ce fut le cas de Royal Bafokeng Mines, où un accord a été signé, de Gold One, où Malema a harangué les foules, de Aurora, une entreprise du Black Economic empowerment (BEE), de Dunlop, un mouvement dirigé par Numsa, le syndicat de la métallurgie de Cosatu, de l’université de Wits (Johannesburg), où le ministre de l’Enseignement supérieur, Blade Nzimande, par ailleurs président du Parti communiste (SACP), a du intervenir personnellement.
Au delà de la tragédie, les conséquences de la grève de Lonmin sont décisives. Sur le terrain politique on pourra les mesurer en cette fin d’année au congrès de l’ANC qui devra élire son candidat à la présidence du pays, en 2014. Sur le terrain syndical, Cosatu est en première ligne sous le feu des critiques. La mobilisation à Marikana a commencé par un affrontement entre le Syndicat des mineurs (NUM) de la puissante confédération et un jeune syndicat issu de la dissidence du NUM. Depuis, plusieurs négociations ou rencontres entre dirigeants et ouvriers se sont tenues en dehors de la présence des confédérations, quelles qu’elles soient. Ce qui jusque là était un dogme infranchissable. Tout laisse à penser que les conséquences, qu’elles soient syndicales ou politique, de Marikana feront l’objet d’une bonne partie des débats du congrès de Cosatu le 17 septembre prochain et de sa place dans l’alliance gouvernementale.
Enfin sur le plan international, l’Afrique du sud n’a plus la même côte. Deux rapports ont été publiés qui mettent gravement en cause la politique sociale, le premier de la Banque mondiale, qui alerte les dirigeants sur l’état de pauvreté dans le pays, présentant l’inégalité sociale comme une menace sur le développement. La Banque relève que les efforts pour diminuer les inégalités ont été trop modestes depuis 1994 et n‘ont enrichi qu’une trop petite partie de la société. Le deuxième du Fonds monétaire international qui s’inquiète du taux de chômage, entre 25 et 35%, selon les calculs, que la prévision de croissance trop faible (3,1%) en 2012 ne permettra pas de diminuer.