Après avoir parcouru les forêts tempérées de la Patagonie Chilienne en décembre 2011, les entomologistes du programme CAFOTROP (CAnopée des FOrêts TROPicales) continuent leur périple à la recherche des insectes dans les forêts tempérées de l’hémisphère sud dans le cadre de leur projet « Les Rescapés du Gondwana ». La seconde étape de ce programme les conduira, du 8 au 30 novembre 2012, en Afrique du Sud, dans la région du Pondoland, afin de réaliser un inventaire de la biodiversité tout en aidant les populations locales. Baptisé « Pondoland 2012 », ce projet sud-africain a été mis en place par les scientifiques du Muséum national d’Histoire naturelle, du CNRS et de l’association CAFOTROP. Il s’inscrit dans le cadre d’un projet plus global mené par un consortium d’institutions et d’organisations non gouvernementales d’Afrique du Sud qui vise à soutenir les populations locales dans le choix de développement durable de leur région : le Pondoland.
LE PONDOLAND
Située le long de la côte sud-est de l’Afrique du Sud, le Pondoland est une région de la province d’Eastern Cape. Elle s’étend entre Port Edwards (au Sud de Durban) et Port Saint Johns (au nord du Cap). Déclarée hotspot de la biodiversité, cette région fait partie d’un ensemble écologique d’intérêt majeur.
Les habitants, les Pondos, constituent une ethnie parlant le Bantu. Ils sont organisés en villages. Dans chaque village, le chef distribue les lopins de terre par petite surface ( 70 m x 70 m ), lesquels lopins ne sont pas propriétés privés, mais appartiennent à la communauté. La terre est utilisée pour la culture de plantes à usage personnel et pour le pâturage. L’utilisation des plantes médicinales revêt une importance non négligeable dans la culture. Ce mode de vie et d’exploitation raisonnée garantissent le maintien de la qualité de l’environnement dans la région.
L’ENJEU
L’enjeu principal de cette mission est d’améliorer la connaissance de la faune du Pondoland considérée comme un des hauts lieux de la biodiversité pour :
- préserver la richesse de la faune endémique de cette région ;
- aider les populations locales à décider de leur avenir à travers un développement durable choisi et organisé par eux-mêmes.
Le SWC (Sustaining the Wild Coast), organisation non gouvernementale dont l’action est de trouver des solutions adaptées aux problèmes locaux, a mis en évidence le manque et les besoins extrêmes d’informations scientifiques sur la biodiversité. Celles-ci sont nécessaires aux décideurs provinciaux et nationaux dans leur planification de développement durable pour ce secteur rural profond.
Les populations locales souhaitent un engagement scientifique afin de soutenir leur connaissance indigène et de développer l’éco-tourisme dans la région, ceci tout en protégeant et valorisant la biodiversité. Cette orientation offre une réelle alternative à l’exploitation minière envisagée par ailleurs compte tenu des sols riches en minéraux de la région.
LA MISSION
Cette mission répond à plusieurs objectifs :
- réaliser un inventaire des insectes en tenant compte de l’aspect fragmenté du paysage du Pondoland pour mettre en évidence la richesse biologique de la région ;
- apporter une contribution scientifique française à forte valeur ajoutée pour la population locale;
- enrichir les connaissances pour l’ensemble de la communauté scientifique.
La mission, qui aura lieu du 8 au 30 novembre 2012, consiste à réaliser un inventaire des insectes en collaboration avec le SANBI (South African National Biodiversity Institute). Cet inventaire apportera des arguments complémentaires et des outils d’aide au développement de l’écotourisme. Les sites de collecte seront définis dans plusieurs biotopes représentatifs du centre d’endémisme du Pondoland, avec les acteurs locaux impliqués dans le projet. Les groupes d’insectes à l’étude sont principalement les punaises Tingidae et Aradidae (Hétéroptères), les collemboles, les mouches Empididae (Diptères), ainsi que d’autres arthropodes terrestres.
L’exploration s’effectuera en milieu ouvert et en milieu fermé, notamment en forêt où la diversité des espèces est grande, que ce soit dans la canopée, en sous-bois ou dans le sol. L’accès à la canopée fait appel à des méthodes de grimpe dans les arbres respectueuses de l’environnement qui utilisent des techniques issues de l’élagage (tree-climbing).
Les découvertes effectuées au cours de ces recherches se prolongeront par des études en laboratoire qui permettront aux scientifiques de compléter leurs savoirs en systématique, en phylogénie, mais aussi en biogéographie, notamment sur l’origine et la mise en place des faunes en relation avec la fragmentation du Gondwana…
UNE MISSION ORIGINALE
- La science au service d’un choix social : en enrichissant leurs connaissances sur la richesse biologique de leur région, les populations locales sont mieux armées pour choisir un développement respectueux de leur environnement ;
- Une interaction scientifique franco-sud africaine : l’implication d’une expertise française, à travers l’association CAFOTROP et le Muséum national d’Histoire naturelle dans un projet sud africain plus vaste permet la concrétisation d’une tentative de collaboration européenne-sud africaine formulée en 2010 ;
- Une exploration innovante de la canopée, rendue possible grâce au tree-climbing et à des scientifiques expérimentés dans ce type d’investigation;
- La mise à disposition de photographies et mini-vidéos exceptionnelles prises sur le lieu de la mission.
LES PARTICIPANTS
Français :
Christophe Daugeron, chercheur, entomologiste, spécialiste des diptères Empididae (Origine, Structure et Évolution de la Biodiversité, Muséum national d’Histoire naturelle / CNRS)
Cyrille D’Haese, chercheur, entomologiste, spécialiste des collemboles (Origine, Structure et Évolution de la Biodiversité, Muséum national d’Histoire naturelle / CNRS)
Eric Guilbert, chercheur, entomologiste, spécialiste des hétéroptères (Origine, Structure et Évolution de la Biodiversité, Muséum national d’Histoire naturelle / CNRS)
Olivier Montreuil, chercheur, entomologiste, spécialiste de coléoptères Scarabaeidae (Origine, Structure et Évolution de la Biodiversité, Muséum national d’Histoire naturelle / CNRS)
Lionel Picart, grimpeur Tree Climbing France
Philippe Psaïla, reporter photographe indépendant
Sud-africain :
Sandy Heather, Director education/rural development, SWC (Sustaining the Wild Coast )
Trois ou quatre scientifiques sud-africains SANBI (South African National Biodiversity Institute) dont Michele Hammer, Head division Terrestrial Arthropods, SANBI (South African National Biodiversity Institute)
Deux membres de la communauté Pondo guideront les chercheurs à travers le Pondoland et échangeront avec l’équipe entre savoir local et savoir scientifique.
Ce projet a été labellisé dans le cadre des Saisons croisées France-Afrique du Sud.