Fév 122012
 

Afrique du sud : Zuma relance l’infrastructure, mais quid des capacités productives

 C’est rare que la presse soit satisfaite d’un discours d’un Chef d’Etat, surtout s’il est africain. C’est pourtant ce qui s’est passé en Afrique du sud le 9 février 2012 après que le Président Jacob Zuma ait prononcé son discours annuel sur l’état de la Nation devant le Parlement au Cap. Il a relevé trois défis : la pauvreté, les inégalités et le chômage auxquels il a tenté d’apporter des réponses économiques par l’annonce d’un plan de renforcement des infrastructures sur sept ans qui sera doté de près de 300 milliards de rands (soit 30 milliards d’Euros) d’investissement, dont la plus grande partie devrait être l’objet d’un emprunt. Un partenariat public-privé pourrait également être envisagé, d’autant plus que des projets ferroviaires et portuaires occupent une bonne place dans le plan. Ce qui serait plus judicieux  que d’améliorer les coûts de transaction en favorisant les projets de connectivité.

Jacob Zuma n’est-il pas en train de répéter les erreurs stratégiques où les infrastructures sont réalisées principalement pour permettre une sortie rapide des matières premières non transformées ?

Favoriser les activités minières, richesse principale du pays, en réduisant les coûts d’acheminement hors d’Afrique du sud devrait permettre d’améliorer la rentabilité au profit des actionnaires. Mais, si cette amélioration des infrastructures ne s’accompagne pas d’une recherche systématique de la création des capacités productives, ce choix pourrait renforcer les inégalités et, de là, les crises sociales. La solution passe donc par une meilleure régulation du processus de création de valeurs ajoutées dans une chaîne de valeurs où les trois à cinq premiers niveaux de la transformation doivent se faire en Afrique  du sud. C’est cela qui garantira les emplois et des salaires et donc le pouvoir d’achat. Si les mines et l’industrie font bon ménage, alors les axes de communication et d’acheminement des produits fabriqués localement permettront de créer ces emplois.

« Libérer le potentiel économique de l’Afrique » souligne le rapport 2012 le la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique. C’est également le vœu de Jacob Zuma : « libérer le potentiel économique afin de créer des emplois » en Afrique du sud.

Selon les statistiques du Fonds monétaire international de janvier 2012, la croissance économique sud-africaine a été de 2,9 %, en 2010, 3,1 % en 2011. Cependant, les projections prévoient un retour en arrière à 2,5 % en 2012 1. On est bien loin des 7 % de croissance du produit intérieur brut (PIB) exigée par l’ONU pour permettre une réduction significative de la pauvreté. La situation de l’emploi a connu une légère amélioration entre 2010 et 2011, passant respectivement de 25 % à 23,0 % de chômeurs. Mais ces chiffres globaux cachent un chômage massif parmi les jeunes et les seniors, et concernent plus particulièrement  les Noirs. En réalité, le chiffre serait proche de 32,7% 2 en y intégrant ceux qui ont renoncé à s’inscrire sur les liste de recherche d’emplois, tant ils ou elles sont désabusés par un marché excluant ceux, nombreux, ne disposant pas de qualifications.

Chacun se rappelle des mini-pogroms contre les travailleurs étrangers, africains notamment, dans les plusieurs townships du pays en 2010. Ils ont montré la difficulté de former et mettre à niveau les populations qui pendant l’Apartheid ont été privées d’accéder à une qualification, voire une expertise. La moyenne de l’Afrique subsaharienne d’enfants scolarisés qui passe du primaire au secondaire était de 66 % pour les garçons et 65 % pour les filles en 2008. En Afrique du sud, ce taux est de 90% pour les garçons et 91% pour les filles 3. Cela reste insuffisant pour mettre en adéquation les compétences recherchées par le marché et les formations. L’apprentissage et l’alternance devront rapidement trouver une place de choix afin que le  « discours-vision » de Jacob Zuma devienne réalité. Sans une recherche de la valeur ajoutée en interne, c’est-à-dire sans une ré-industrialisation et revalorisation des compétences, le pari ne sera pas gagné.

YEA.