L’éducation a été un des arguments qui a le plus compté dans la dénonciation de la politique d’apartheid, qui a le plus permis de rassembler très largement des institutions politiques, des sociétés civiles dans le monde entier. Rappelons l’impact du soulèvement des écoliers de Soweto, en juin 1976. Impact dans la solidarité internationale mais aussi le tournant politique que cette révolte des écoliers contre l’injustice du système éducatif a provoqué au sein même du Parti national, au pouvoir à l’époque, dans les mouvements de libération et dans la société civile sud africaine.
Après 1994 et l’émergence d’une Afrique du sud démocratique les changements dans le système éducatif devaient donner, pour tous, la mesure de la transformation. Plus encore, peut être, que l’amélioration des conditions de vie.
Vingt ans plus tard, le résultat n’est pas au rendez-vous et le choix de donner une priorité aussi appuyée à l’émergence d’un secteur économique « Noir » et son corolaire la corruption, au détriment d’autres secteurs touchant au quotidien la vie du peuples des townships, a contribué au désaveu progressif de l’ANC.
Les proclamations d’égalité dans l’éducation sont restées formelles, sinon des vœux pieux. Certes le concept d’écoles raciales a disparu, mais quelle famille blanche accepterait d’inscrire ses enfants dans des écoles de township qui restent tellement marquées par leur histoire. Le plus grave est que cela est aussi vrai dans l’esprit des dirigeants d’aujourd’hui. L’école publique en Afrique du sud est payante et la promesse de Nelson Mandela au lendemain de la victoire de 1994 de ne jamais mettre à la porte de son école un élève dont les parents n’auraient pas les moyens de s’acquitter des frais même très minimes est une goutte d’eau dans l’océan des réformes indispensables du système éducatif.
Selon les statistiques nationales, près de la moitié des enfants dont les parents ont répondu au questionnaire du recensement de mai 2010, ont quitté le système scolaire pour non paiement des droits. Un réseau d’écoles publiques gratuites a été mis en place établissant, de fait, une carte de la pauvreté dans le pays. C’est ainsi que le nombre de ces écoles « subventionnées » atteint 89,4% dans le Limpopo, zone rurale à la frontière du Zimbabwe comparés aux 31,4% dans le Gauteng (Johannesburg Pretoria).
Le recensement en cours va peut être nous donner quelques indications sur la proportion entre le nombre d’écoles publiques et privées. En l’absence de chiffres, il est cependant indéniable que ces dernières bénéficient de la comparaison avec les écoles publiques des townships et les files d’écoliers en uniformes attendant très tôt le matin le ramassage scolaire qui les conduits vers les anciennes villes blanches font partie du paysage. Un sacrifice qui est récompensé puisque l’analyse des résultats du bac de décembre 2011 fait apparaître un taux de réussite de 98% dans les écoles privées, alors qu’il est de 70,2% nationalement toutes catégories confondues.
La formation des maîtres, la question des langues de l’enseignement (11 ont le statut de langue officielle), la différence de niveau entre le public et le privé, l’enseignement professionnel qui n’est assuré que par les entreprises, le débat sur l’école est, encore, en Afrique du sud un débat à venir. Les défis sont immenses mais la volonté politique et les moyens qui en découlent ne semblent pas, pour l’instant, à leur hauteur.
Anne Dissez