Avant l’adoption à l’Assemblée nationale, lors du ‘Mardi Noir’, du projet de loi sur le Secret, une opposition unie avait prévu de porter l’affaire devant le Conseil constitutionnel. Évidemment le député ANC Luwellyn Landers se dit confiant que le texte sera jugé constitutionnel.
Mardi dernier, juste avant le vote en deuxième lecture du projet de loi sur la Protection de l’Information classée secrète, la chef de file de l’Alliance démocratique, Lindiwe Mazibuko, pressait les députés de la majorité de ne pas l’approuver.
« Si cette loi est adoptée, elle détricotera notre Constitution. Elle criminalisera les libertés pour lesquelles tant de nos concitoyens se sont battus. Vous, les députés d’en face, que direz-vous un jour à vos petits-enfants ? »
La majorité absolue de l’ANC a permis le passage du projet de loi avec 229 pour, 107 contre et 2 abstentions.
Anticipant ce résultat, Mazibuko a déclaré : “Monsieur le président de l’Assemblée, quoi qu’il advienne ici nous n’abandonnerons pas ce combat. Nous combattons ce projet depuis le premier jour et nous continuerons à faire ce qu’il faut pour vaincre ceux qui veulent réduire notre peuple au silence. En premier lieu nous mènerons le combat devant le Conseil national des Provinces, où nous déposerons des amendements, y compris une clause qui protégera ceux qui révèleront dans l’intérêt public des informations classées secrètes. Si le projet de loi est approuvé par cette chambre dans sa forme actuelle, nous comptons sur le président de la République pour le renvoyer devant le Parlement. Je veux croire qu’il comprendra que ce texte est anticonstitutionnel. Mais si ce projet devient loi, je déposerai une requête devant le Conseil constitutionnel pour qu’il soit déclaré anti-constitutionnel. »
Le règlement du Parlement prévoit qu’un projet de loi puisse être renvoyé immédiatement devant le Conseil constitutionnel si un tiers des députés donnent leur accord. Cela suppose que chaque député n’appartenant pas à l’ANC le fasse.
Mario Ambrosini, député de l’Inkatha Freedom Party, a indiqué au Daily Maverick qu’une telle démarche est envisageable dès lors que le projet sera approuvé par le Conseil national des Provinces et ratifié par le président de la République. Le seul problème est que COPE a quelques postes vacants à pourvoir.
Sans surprise, le président du comité ad hoc qui a piloté le projet de loi, le député ANC Luwellyn Landers, s’est dit confiant quant à la constitutionnalité du texte sous sa forme actuelle.
« La raison qui me pousse à soutenir le projet de loi sur la Protection de l’Information classée secrète, c’est qu’il annule la loi de 1982 de PW Botha. Ceux qui s’opposent à ce projet souhaitent que la loi de PW Botha reste en vigueur. »
«Nous soutenons également ce texte parce qu’il donnera enfin satisfaction aux familles de personnes telles qu’Ahmed Timol (http://www.sahistory.org.za/people/ahmed-timol). Les circonstances qui entourent son assassinat ont été classées secrètes. Tous les documents de l’époque classés secrets le restent parce que la loi de 1982 ne prévoyait pas les moyens de les déclassifier. L’actuel projet de loi le fait. S’il y a une requête pour déclassifier certaines données, un comité en examinera la possibilité. »
Il a annoncé qu’une décision du Conseil constitutionnel serait respectée -le Conseil étant l’instance suprême en Afrique du Sud et l’arbitre final, on n’aurait pas le choix- mais il s’est dit « extrêmement confiant » que le document respectait les exigences de la Constitution en vigueur.
“ Nous ne nous sentons ni menacés ni intimidés à l’évocation du Conseil constitutionnel » a dit Landers.
Selon lui le projet de loi n’a pas été traité de façon équitable par les médias car il ne concernait pas les médias en premier lieu. Il a cependant admis qu’on avait peut-être trop compté sur la presse pour expliquer au public les enjeux du projet de loi, ce qui avait eu pour résultat de fausser la perception du public.
D’après l’analyste politique Eusebius McKaiser les medias ont eu tort d’insister sur une opposition d’ordre constitutionnel au projet fondée sur l’absence de clause d’intérêt public. « En vérité, il n’existe pas de droit constitutionnel qui imposerait l’inclusion d’une clause d’intérêt public dans ce texte. Les médias sous-entendent que si le texte est soumis au Conseil constitutionnel, les onze juges diront que cette clause est absente et refuseront le projet. »
« Le Conseil se posera la question suivante : Ce projet porte-t-il atteinte aux droits fondamentaux garantis par la Constitution ? Si oui, de quelle manière ? Si on restreint les droits, est- ce bien en accord avec les dispositions relatives auxdites restrictions ? Il ne s’agit pas de l’inclusion ou non d’une clause d’intérêt public, il s’agit de savoir si ce texte a une quelconque justification dans une société démocratique. Je pense que la réponse sera négative. »
Si ce projet a un jour force de loi, les députés de l’opposition ne seront probablement pas les seuls à se précipiter devant le siège du Conseil constitutionnel pour se faire entendre. La plupart des organisations de la société civile directement concernées –y compris la campagne Right2Know et le Forum national des Rédacteurs en Chef d’Afrique du Sud– ont annoncé publiquement qu’ils présenteraient ou soutiendraient un recours constitutionnel et ils sont tout aussi « extrêmement confiants » de l’emporter que Landers.
Si on en juge par le geste des rédacteurs en chef qui sont sortis collectivement du Parlement mardi dernier et par la condamnation quasi unanime du vote au Parlement, la presse sera prompte à crier victoire sur le plan des principes si jamais le Conseil constitutionnel jugeait irrecevables certains aspects du projet de loi, mais les raisons auront davantage à voir avec une limitation de l’abus du pouvoir d’État et le besoin reconnu de transparence. Ces groupes de pression ont affirmé la nécessaire protection de certains vrais secrets d’État.
Publié le 24/11/2011 dans Daily Maverick par Sipho Hlongwane.
http://dailymaverick.co.za/article/2011-11-24-secrecy-bill-the-constitutional-court
Traduction JP et W Richard