… et les sublimes interprètes de ‘Play Me’
Justesse du titre d’une pièce qui excelle à montrer que les personnages que nous jouons se jouent les uns des autres. Les “sept péchés capitaux” y figurent en regard des “sept âges de l’homme” qu’évoque Shakespeare dans “Comme il vous plaira.” Attention à ne pas devenir, à son tour, le jouet de ‘Play Me’. Par LESLEY STONES.
Cette nouveauté, que l’on peut voir au Market Theatre, est présentée comme une histoire de pouvoir et d’amour, traitant des sept péchés capitaux au travers des faits et gestes d’un couple instable qui invite des gens extérieurs à sa vie à la partager.
Aïe, vous dites-vous, encore une de ces incursions dans la sexualité comme en exhibent souvent les scènes du Market Theatre. Tentons d’échapper à une vue trop nette des choses en évitant les premiers rangs. Par bonheur, vous vous trompez du tout au tout.
‘Play Me’ est un spectacle kaleidoscopique, offrant quantité d’aperçus sur la vie de deux personnes parfaitement antipathiques. On reste insensible au personnage têtu, inflexible de Joe (Fana Mokoena), comme à celui de sa femme, la superficielle et vicieuse Pretty (Zandile Msutwana). C’est un couple insupportable, dont l’interprétation montre à merveille qu’ils ont tout sans jamais rien apprécier.
L’expression qu’affiche Msutwana suffit, sans que celle-ci ne parle, à laisser deviner les pensées pas très jolies de Pretty. Ses regards méprisants lui confèrent une arrogance qui, naturellement, horripile les autres protagonistes, et avec eux les spectateurs.
Julia (Lerato Mvelase), leur aide ménagère, est la soumission et la douceur mêmes, jusqu’au moment où sa surface est écornée. De cette blessure surgit un personnage combinard, mais admirable. Jack, le quatrième protagoniste, est interprété par le réellement énorme Sello Sebotsane. C’est un ancien camarade d’armée qui fond sur le couple pour se trouver un travail et un endroit où s’installer.
Pretty et Joe se disputent constamment et passent leur colère sur les deux autres. Ils sont riches, la société qu’ils dirigent est florissante, et ils se sentent malheureux comme les pierres. Ils sont le roi et la reine d’un château de banlieue et Jack et Julia sont leurs pions. Mais comme dans toute bonne partie d’échec, ce sont les coups astucieux des pièces secondaires qui renversent l’équilibre des pouvoirs.
Tandis qu’elle brode sur les rapports entre les personnages, l’intrigue du jeune auteur Monde Mayephu crépite d’intelligence et d’humour. Elle souligne les subtils changements de pouvoir et les émotions, d’une façon drôle, nerveuse et astucieuse. Les mots mordants sont servis par l’impeccable mise en scène de Mpho Molepo, qui a fait en sorte que l’allure, la façon d’agir et les hésitations de chacun des personnages donnent à cette pièce fascinante une parfaite fluidité.
Julie et Jack, qui n’ont que leur ambition et leur esprit, semblent faire équipe pour saisir le bon moment. Mais les ressorts de la pièce sont bien plus fins et les loyautés se défont selon les opportunités, au gré des changements de camp de chacun des quatre personnages.
Les scènes de sexe se traduisent par des performances dansées bien plus efficaces que si ces scènes étaient jouées de manière frontale et rentre-dedans. Sans obscénité, leur chorégraphie est parfaitement claire – l’épouse rejetée, sa tentative de séduire Jack, le viol de Julia par Joe et un vrai lien entre Jack et Julia, si bien incarné qu’il provoque des applaudissements spontanés.
‘Play Me’ est une pièce brillante, le jeu de ses quatre interprètes, magnétique, sa mise en scène, magnifique. Le décor raffiné, signé Nduka Mntambo, rend parfaitement l’opulence dans laquelle vivent Joe et Pretty. Julia et Jack, quand ils finissent par chasser leurs patrons, semblent s’apprêter à devenir à leur tour les personnages empoisonnés qu’ils viennent de vaincre, mais on ne connaît réellement la fin qu’à la toute dernière réplique et on reste tendu, au bord de sa place, impatient de la découvrir. DM
‘Play Me’ passe au Market Theatre jusqu’au 1er mai.
Photos de Ruphin Coudyzer
Pour en savoir plus sur l’actualité théâtrale de Gauteng, se rendre sur le fabuleux website de Lesley.
Publié sur le site de Daily Maverick le 2 avril 2011
Source : http://www.thedailymaverick.co.za/article/2011-04-02-and-all-the-men-and-women-merely-players-playing-sublimely-in-play-me