Fév 162012
 

En baisse: les taux de participation des hommes d'origine africaine dans l'enseignement supérieur ont baissé depuis 1996, passant de 11,5% à 10,7%, ce qui les rend le groupe avec le taux le plus bas. (Madelene Cronjé, M & G)

La ruée vers les places à l’université de Johannesburg le mois passé nous rappelle l’importance qu’il y a à faire des études universitaires et la faillite de notre système d’enseignement supérieur qui ne parvient pas à accueillir un nombre suffisant d’étudiants noirs.

Mail & Guardian du 27/01/2012 par Mignonne Breier et Pieter Le Roux.

Certes le nombre d’inscriptions a augmenté depuis 1994 mais cette avancée apparente en matière d’égalité des chances n’est qu’un élément parmi d’autres et ce chiffre doit être rapporté à la totalité des jeunes en âge de poursuivre des études supérieures.

Ce qu’on appelle au niveau international le taux brut d’inscription (ou ‘taux de participation’) s’obtient en divisant le nombre total d’inscriptions par le nombre total de jeunes gens de 20 à 26 ans. Le résultat s’exprime en pourcentage. A cette aune, le taux sud-africain de participation, pour l’enseignement supérieur, a très peu augmenté depuis 1994 et a même décliné en ce qui concerne les hommes, parmi les noirs et les métis.

Les politiques publiques d’enseignement supérieur depuis le milieu des années 90 ont eu pour objectif l’égalité des chances, tant pour l’accession aux études que pour la réussite. L’augmentation du nombre de noirs qui s’inscrivent à l’université est souvent citée comme preuve d’un progrès en matière d’égalité des chances en Afrique du Sud. Depuis 1994 ce chiffre a presque doublé, augmentant de 91% (soit 4,4% par an), contre 41% de hausse (soit 2,3% par an) pour le nombre total d’inscriptions et plus de 20% de baisse pour les inscriptions d’étudiants blancs (1,7% par an).

Mais pour savoir si, ces quinze dernières années, l’accès aux études supérieures s’est vraiment amélioré pour les jeunes Sud-africains il faut étudier les taux de participation. Cela signifie que les chiffres ne doivent pas prendre en compte les étudiants étrangers et doivent être rapportés à la totalité de la classe d’âge considérée.

Notre taux de participation s’élève actuellement à 16%, nettement en dessous de l’objectif de 20% fixé dans le plan pour l’Education de 2001 et à peine différent du taux de 1996.

Comme le montre le tableau ci-dessus, le taux de participation des noirs (12,1%) est à peine plus du cinquième du taux des blancs (58,5%) et moins d’un quart de celui des Indiens (51%). Celui des métis est à peine meilleur mais a quand même augmenté d’environ deux points depuis 2004. Le nombre d’inscriptions de blancs a baissé, mais le nombre de blancs dans la classe d’âge a également baissé, ce qui explique que le taux de participation des blancs soit constant sur la période considérée.

Le taux de participation des hommes est inférieur à celui des femmes dans tous les groupes : 14,3% contre 17,7% au total. Chez les noirs, le taux de participation des hommes est le plus bas de tous : 10,7%,  comparé à 13,5% pour les femmes.

Selon le sexe, les taux de participation des autres groupes s’élèvent à :

  • métis: 12,3% hommes et  16,3% femmes
  • Indiens: 45,3% hommes et 59,6% femmes
  • blancs: 54,2% hommes et 62,9% femmes.

Pour les hommes, le taux de participation chez les noirs a baissé de 11,5% à 10,7% depuis 1996 et chez les métis de 12,9% à 12,1%.

A 16%, notre taux de participation à l’enseignement supérieur est nettement inférieur à celui d’autres pays. Selon les chiffres de l’UNESCO, le taux moyen équivalent pour l’Amérique latine et les Caraïbes est de 37%, et de 72%pour les États-Unis et l’Europe occidentale. Seules l’Asie du Sud et de l’Ouest et l’Afrique sub-saharienne ont des taux inférieurs (13% et 6% respectivement). Le Brésil qui, comme l’Afrique du Sud, a un cœfficient Gini élevé (il indique le niveau d’inégalité dans une société donnée) réussit beaucoup mieux dans ce domaine, avec un taux de participation de 34%.

De nombreux facteurs contribuent au taux de participation très bas de l’Afrique du Sud. Les dépenses pour l’enseignement supérieur sont faibles comparé à ce qu’il en est dans d’autres pays et sont passées de 0,9% du PIB à la fin des années 80 (Écoles Normales comprises) à 0,67%   en 2009. La dépense par étudiant est tombée de 27 900 rands en 1987 à 14 700 rands en 2009 (en rands constants ; basé sur la valeur du rand en 2005).

On incrimine souvent le système scolaire qui ne fournirait pas assez d’étudiants noirs et métis ayant atteint un niveau suffisant à l’examen de fin d’études secondaires pour obtenir une place à l’université. Les chercheurs ont toutefois montré que, parmi les étudiants n’ayant pas obtenu de bons résultats aux examens, nombreux sont néanmoins ceux qui sont capables de réussir des études supérieures, pour peu qu’ils reçoivent un soutien suffisant à l’université. Mais la formule de financement ne récompense pas assez les universités qui accueillent et soutiennent ce type d’étudiants et le récent projet de loi sur l’Education post-scolaire et la Formation n’explore pas cette piste tout à fait prometteuse.

La politique de financement et celles suivies dans d’autres domaines sont aussi responsables de la baisse des inscriptions en Lettres et en Sciences Humaines depuis 2004 ainsi que dans les Masters basés sur le contrôle continu. Le projet de loi en note l’une des conséquences : entre 2004 et 2010 le nombre de diplômés dans les filières littéraires et en Sciences humaines (exception faite des Sciences de l’Éducation) n’a connu qu’une très lente progression (1,7% par an) et la part, dans le total, des inscriptions au niveau Master a baissé de 6,1% par an à 5,2%.

Pendant ce temps-là, des milliers d’étudiants continuent de réclamer une place. Ils savent que le fait d’être titulaire d’un diplôme universitaire offre de meilleures perspectives d’emploi— même quelques années d’études supérieures valent mieux que rien.

Malheureusement de nombreux candidats n’obtiendront pas de place, soit parce qu’ils ne remplissent pas les conditions d’admission, soit parce que les universités n’ont pas assez de places à proposer.

Parmi ceux qui obtiendront une place, beaucoup renonceront, faute de pouvoir payer les frais d’inscription exigés ou parce qu’ils ne peuvent subvenir à leurs besoins. D’après les chiffres de l’ancien ministère de l’Education environ 30% quittent au cours de la première année et 20% d’autres au cours des deux suivantes.

Dr Mignonne Breier est responsable du développement de la Recherche au bureau de la Recherche de l’université du Cap. Pieter le Roux a pris sa retraite l’année dernière. Il était professeur d’Etudes sur le développement et directeur de l’Institut du Développement social de l’université du Cap Occidental.

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Source : http://mg.co.za/article/2012-01-27-black-access-to-varsity-whats-the-full-story

Traduit pas J.P. & W. Richard